Vite vu : Mary Shelley

Publié le par Antohn

Je m’y prend probablement un peu tard : à l’heure où cet article sera publié il est possible que le film dont je vais vous parler ne soit encore visible que dans peu de salles. Moi-même, j’ai mis un moment avant de trouver le temps d’aller le voir alors que la lecture de Frankenstein lorsque j’étais ado avait été ma première expérience avec la littérature fantastique et le peu que j’avais alors appris sur Mary Shelley m’avait donné envie d’en savoir plus à son sujet, sans avoir réellement pris la peine de le faire.

 

Je me suis donc dit que j’allais mettre à profit les quelques jours de vacances qui me restaient pour rattraper certains retards et, de vous à moi, je m’en serais voulu de l’avoir raté. Et tu sais quoi lecteur ? J’ai bien fait de me bouger le popotin et, si toi aussi tu as l’occasion d’aller voir MARY SHELLEY, je ne saurais que te conseiller d’y jeter un coup d’œil.

Alors oui, certes, il faudra intégrer le fait que Elle Fanning ne ressemble pas énormément à son modèle (si l’on en juge par les quelques portraits que l’on connaît d’elle). De même, si tu va voir ce film parce que Maisie Williams est dedans, va au devant d’une déception : elle est créditée dans les premiers au générique mais n’apparaît en tout et pour tout qu’une dizaine de minutes. Disons que son nom semble surtout avoir été utilisé pour amener du monde, ce qui va résonner étrangement, d’ailleurs, avec un autre terme abordé dans le dernier tiers du film. Attention aussi à certains visuels, notamment les affiches anglo-saxonnes, qui semblent essayer de le vendre comme un film d'horreur (ou comme un stoner movie si l'on en juge par le regard qu'y fait Elle Fanning).

Le film part aussi du principe que le spectateur sait de quoi parle Frankenstein et a déjà vaguement entendu parler de sa genèse car s’il revient dessus, il ne se concentre pas sur l’écriture du roman. Toutefois, si celle-ci est traitée en cinq minutes, elle l'est dans une séquence d’une intensité rare.

Car s'il y a bien un message que veut faire passer MARY SHELLEY c'est qu'une œuvre réussie est avant tout une œuvre dans laquelle l'artiste a mis énormément de lui-même. A ce titre, il y a forcément un parallèle à faire entre la romancière et la réalisatrice, Haifaa Al-Mansour, dont l'histoire est également intéressante. Pour faire simple, il s'agit de la première saoudienne a être devenue réalisatrice, dans un pays où non seulement la place des femmes n'est, comme vous le savez, pas des plus enviables mais où le cinéma a même été proscrit pendant des décennies. Vous imaginez la force de caractère qu'il lui a fallu pour parvenir à ses fins et il n'est donc pas très étonnant que l'histoire d'une anglaise du XIXe siècle essayant de se faire reconnaitre comme écrivain, dans un genre jugé alors inconvenant pour une dame de bonne famille n'a pu que lui parler. D'un certain côté, Mary Shelley c'est un peu elle et cela rajoute au film un supplément d'âme qui lui empêche d'être un de ces biopics scolaires semblant nous réciter la page Wikipédia de leur protagoniste.

Il peut paraître surprenant de constater à quel point un roman paru il y a 200 ans peut être toujours d'actualité mais ce serait oublier que sa force réside dans le fait qu'il parle avant tout à nos interrogations, nos angoisses, nos tourments, les mêmes qui agitaient Mary Shelley. Nous avons tous perdu des êtres chers, nous nous sommes tous retrouvés face à la vanité de notre existence, nous avons tous expérimenté la solitude et nous nous sommes toujours retrouvés face à l'impossibilité d'y remédier. Elle, elle y puisa la force et la volonté de donner vie à son oeuvre et de la faire reconnaitre. Ce film n'est pas que l'histoire de Mary Shelley, n'est pas que celle d'Haifaa Al-Mansour, c'est la notre à tous dès lors que nous avons compris que beauté et laideur peuvent parfois être les deux faces d'une même pièce.

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