Bilan du PIFFF 2022

Publié le par Antohn

Trois ans après avoir mis à exécution ma menace de prendre des vacances pour profiter de l'intégralité du PIFFF j'ai enfin eu l'occasion de recommencer. L'édition 2020 a été annulée pour les raisons que vous connaissez tous et certains impératifs m'empêchèrent de profiter pleinement de celle de 2021 (j'ai notamment raté BULL, le film ayant remporté l'Oeil d'Or, ce qui faisait tâche).

C'est donc après la vision de 26 films en 5 jours que je vais vous faire, non un bilan exhaustif, mais un retour sur des films que j'ai aimé, des films que j'ai beaucoup moins aimé et ceux entre les deux. Et quelques surprises risquent de se glisser.

 

"HE, MAIS C'ETAIT PAS MAL DIS DONC !"

LINOLEUM | Colin West (Etats-Unis) : Cameron voit la soixantaine arriver et sa vie partir petit-à-petit en morceaux. Son émission de vulgarisation scientifique ne décollera décidément jamais, sa femme demande le divorce, son vieux père perd la tête et, en regardant en arrière, il s'aperçoit qu'il est trop tard pour accomplir ses rêves. 

Un jour, les restes d'une vieille fusée s'écrasent dans son jardin et il voit alors dans la possibilité de la remettre en marche l'occasion d'enfin faire "quelque chose de fantastique".

Si vous avez vu et aimé DONNIE DARKO et bien, sachez que Colin West aussi. On y retrouve la même ambiance, la même mélancolie... et deux ou trois scènes à la limite du plagiat. Porté par le comédien de stand up Jim Gaffigan, incarnant à la fois le héros et son rival, LINOLEUM est un film excessivement touchant, une fable qui vient nous rappeler que ce n'est pas parce qu'il est trop tard pour réaliser ses rêves que cela doit nous empêcher de continuer à en faire. 
Difficile de développer davantage sans spoiler mais de tous les films que j'ai pu voir lors de ce PIFFF c'est celui qui m'a le plus marqué, celui qui m'a le plus parlé et c'est clairement ce genre de pépite du cinéma de genre que je viens chercher dans ces festivals.

 

MISSINGShinzô Katayama (Japon / Corée du Sud) : Veuf et endetté, Satoshi disparaît après avoir dit à sa fille, Kaede, qu'il partait à la recherche d'un tueur en série dont la tête est mise à prix. Kaede part alors à la recherche de son père, tentant de résoudre un mystère qui ne fait que s'épaissir.
 

Comme pour LINOLEUM, n'en disons pas trop, faites-moi confiance et donnez sa chance à ce film si vous le voyez passer quelque part. Sous ses abords de thriller à la narration tous sauf linéaire, MISSING est un film qui va en réalité vous faire passer par pas mal d'émotions et l'intrigue est suffisamment prenante et bien écrite pour que vous ne voyiez pas passer ses deux heures.

 

DETECTIVE VS SLEUTHWai Ka-Fai (Chine / Hong-Kong) : Un groupe de tueurs surnommés "Les Elus" sème la mort dans Hong-Kong en exécutant les auteurs de meurtres irrésolus en appliquant la loi du Talion. La seule chance de la police d'empêcher ces crimes est de résoudre ces affaires avant que les Elus ne fassent justice. Pour cela, ils sont secondés par Chun Lee, un ancien détective renvoyé de la police pour troubles psychologiques et persuadé que les coupables viennent lui avouer ses crimes. 

Wai Ka-Fai a mis près de 15 ans pour enfin tourner à nouveau, laps de temps qu'il a mis à profit pour écrire pour les autres mais également pour avoir énormément d'idées qu'il met toutes dans un film oscillant entre le polar hard-boiled et la comédie noire. On regrettera peut-être quelques incohérences et un nombre un peu élevé de trahisons et de rebondissements en tous genre mais il se dégage de DETECTIVE VS SLEUTH une énergie comme on en voit de moins en moins dans le cinéma hong-kongais.

GOOD BOYViljar Bøe (Norvège) : Sigrid, une étudiante norvégienne rencontre Christian sur une appli de rencontre. Christian est un peu timide mais il est aussi beau, riche, intelligent, le date idéal. A un petit détail près. 

En effet, Christian vit seul avec son chien, Frank, un toutou qui a juste une petite particularité : c'est un homme dans un costume qui semble convaincu d'être un animal. 

Tourné dans des conditions presqu'amateures (l'une des maisons où l'intrigue a lieu est littéralement celle où Viljar Bøe vit d'ordinaire), GOOD BOY réussit à survivre à son concept de base, commençant comme une comédie pour s'assombrir petit-à-petit sans que l'on s'en aperçoive. Un film original, efficace et instillant un suspense qui fait passer aisément ses 75 minutes.

 

V/H/S 99Maggie Levin, Johannes Roberts, Flying Lotus, Tyler MacIntyre , Vanessa et Joseph Winter (Etats-Unis) : Il y a deux genres horrifiques envers lesquels j'ai des a priori : l'anthologie et le found footage. Autant vous dire que, si j'avais entendu parler de la franchise V/H/S, je la connaissait assez mal. Et c'est dommage. 
Suite de courts métrages ayant tous pour point commun de se passer en 1999, V/H/S 1999 est tout d'abord une œuvre ayant la particularité de réunir du beau linge : Johannes Roberts, réalisateur du dernier Resident Evil et des deux 47 Meters down, Maggie Lewin, assistante réalisatrice sur l'excellent Black Phone de Scott Derrickson, ou encore le couple Vanessa et Joseph Winter, à qui l'on doit le suprenamment fun Deadstream

Au menu, un bizutage particulier, un groupe de rock qui joue avec le feu et les esprits, des figurines belliqueuses, des ados trop curieux, un présentateur forcé à jouer à une version suédée de son jeu et des documentaristes envoyés en enfer suite à une invocation ratée. Evidemment, tous les sketchs ne se valent pas mais tous se laissent très facilement regarder et en résulte une série B très agréable. 

"CA VA, CA PASSE !"

HUESERA | Michelle Garza Cervera (Mexique / Pérou) : Valeria a tout pour être heureuse, un boulot où elle s'épanouit, un mari adorable et, en plus, elle vient d'apprendre qu'elle enfin enceinte. Mais cette situation, à première vue idyllique, va vite tourner au cauchemar : avec la grossesse, Valeria sent son corps changer et est assaillie de visions de plus en plus angoissantes. 

Loin de se contenter d'être un bête film de body horror, Huesera est avant tout une réflexion sur les normes imposées par la société sur les gens en général et sur les femmes en particulier. On suit avant tout l'histoire d'une femme qui se rend compte qu'elle n'est pas devenue celle qu'elle voulait être mais celle que l'on voulait qu'elle soit, les angoisses liées à la grossesse n'étant rien à côté de la réalisation qu'on a essayé de la faire rentrer dans un moule qui maintenant l'étouffe. 

Pour être honnête, j'avais très peur que ce film ne me parle pas mais il n'en est rien, Huesera utilise le thème de la grossesse pour en faire une parabole plus large sur les injonctions sociales. Après tout, passer à côté de sa vie est une peur bien plus réelle que peuvent l'être tous les vampires, zombies et autres créatures fantasmagoriques.

 

CANDY LAND | John Swab (Etats-Unis) : "Candy Land" c'est le surnom d'une aire d'autoroute dans le Montana, le dernier arrêt avant plusieurs centaines de kilomètres de désert. L'occasion pour les voyageurs et les routiers de passage de faire le plein mais aussi d'assouvir certaines pulsion, Candy Land devant son nom aux travailleuses du sexe qui y officient. La vie s'y écoule aussi paisiblement que possible sous la surveillance d'une directrice de motel un peu maquerelle sur les bords jusqu'à l'arrivée de Remy, une jeune fille ayant fui la communauté évangéliste où elle a grandi. Recueillie par les habitants de Candy Land, elle parvient peu à peu à s'intégrer à un univers très éloigné du sien, jusqu'à ce qu'une série de meurtres ne plonge l'endroit dans l'angoisse.

On reste assez globalement dans les clous avec ce polar aux allures de slasher. Pas de rebondissements extraordinaires (mis à part un que je n'avais pas vu venir, mais j'étais visiblement le seul) mais le manque de surprise du scénario est contrebalancé par le fait que les personnages ont été écrit avec suffisamment de soin (et de tendresse parfois) pour que l'on s'attache à cette ribambelle de personnes que la vie et le destin ont mené à différentes marges de la société.

DEMIGOD : THE LEGEND BEGINS | Chris Huang (Taiwan) : Connaissez-vous le budaixi ? Si non, ne vous en offusquez pas : il s'agit de spectacles de marionnettes typiquement taiwanais dont quelques familles sont devenues des spécialistes, réalisant au fil du temps des performances de plus en plus en plus impressionnantes. Adapté, manifestement, d'une série télé, DEMIGOD raconte la genèse du personnage de Su Huan-Jen, un érudit expert du combat à l'épée qui va se retrouver un peu malgré lui au centre d'une guerre de successions. 


On passera vite sur un scénario assez convenu, ce qui marque surtout avec Demigod c'est tout simplement la prouesse technique : nous sommes face à un long métrage entièrement tourné avec des marionnettes, toutes doublées par la même personne et manipulées avec une maestria absolument incroyable !

La question n'est pas de savoir s'il s'agit ou non d'un bon film, le plus important c'est que, pour ma part, je n'avais jamais vu ça de ma vie !

EARWIG | Lucile Hadzihalilovic (Grande-Bretagne / Belgique / France) : On disait de David Bowie qu'il ne faisait ni de la pop ni du rock mais du Bowie. Il en est de même pour Lucile Hadzihalilovic : elle ne fait pas d'horreur, elle ne fait pas de fantastique, elle fait du Lucile Hadzihalilovic. Réalisatrice d'un dyptique sur le passage de l'enfance à l'adolescence, INNOCENCE pour les filles, EVOLUTION pour les garçons, EARWIG semble s'inscrire dans cette continuité en explorant le même thème, mais du point de vue des parents, plus précisément du père. 

Enfin, ça, c'est ce que je crois avoir compris d'un film qui raconte l'histoire d'un homme devant s'occuper d'une petite fille avec des dents de glace pendant qu'un mystérieux interlocuteur prend régulièrement de ses nouvelles. Car s'il est particulièrement beau visuellement, EARWIG n'en reste pas moins un film livré sans la notice, ce qui est un peu compliqué lorsqu'on a affaire à une réalisatrice faisant des œuvres basées entièrement sur la symbolique et la métaphore. C'est d'autant plus dommage que Lucile Hadzihalilovic était là pour nous le présenter, qu'elle est venue le débriefer ensuite mais sans réellement nous fournir de clé (et je crois que personne n'a vraiment osé lui demander). 

Un peu déçu, donc, alors que j'avais bien aimé INNOCENCE et EVOLUTION, d'autant plus que je pense n'avoir qu'effleuré la symbolique d'un film qui, je pense, va me faire turbiner un moment.

 

INFLUENCER Kurtis David Harder (Etats-Unis) : Madison, une influenceuse voyage de passage en Thailande, s'ennuie à cent sous de l'heure dans son hôtel de luxe entre sponsos débiles et posts faussement inspirant consistant à aligner des poncifs. C'est alors qu'elle fait la connaissance de "CW" une jeune femme qui va mettre un peu de piment dans son quotidien morne. Un peu trop.

La dernière fois que j'avais entendu parler de Kurtis David Harder, c'était il y a un an et demi avec WHAT KEEPS YOU ALIVE et force est de constater que les deux films reprennent des thèmes similaires. Trop peut-être dans la mesure où cela rend LE moment charnière absolument évident et les rebondissements prévisibles. Il reste un monde des influenceurs montré sans admiration ni mépris, avec des personnages pour qui ce n'est qu'un boulot comme un autre ainsi qu'un segment final qui m'a, pour ma part, assez plu.

"MOUAIS BEN, BOF"

 

PROJECT WOLF HUNTINGKim Hong-seon (Corée du Sud) : En 2021, le festival avait été marqué par la projection de THE SADNESS, film taïwanais particulièrement gore et malsain dont personne n'était sorti indemne. PROJECT WOLF HUNTING devait être le SADNESS de cette année : on nous promettait, dans cette histoire de flics et de criminels tentant de survivre à un truc pire qu'eux sur un cargo philippin, une explosion de violences et un record de crânes éclatés, la séance idéale pour occuper un vendredi soir. 

Le film tient ses promesses : il y a du sang et des crânes éclatés... mais il n'y a quasiment que ça. En effet, un film avec un body count élevé n'est intéressant que si le gens derrière la caméra sont un peu inventifs pour tuer les gens, ce qui n'est pas vraiment le cas ici où trop de crânes éclatés nuisent aux crânes éclatés.

Et ce n'est pas un scénar mélangeant PIEGE EN HAUTE MER et RESIDENT EVIL qui va vraiment sauver un film qui est juste une série B bourrine comme une autre. 

 

THE ELDERLYRaul Cerezo et Fernando Gónzález Gómez (Espagne) : Après le suicide de sa femme un jour de canicule, le vieux Manuel est recueilli par son fils. S'installant dans son nouveau chez lui, cohabitant avec la nouvelle compagne de son fils et essayant de cultiver l'art d'être grand-père avec sa petite fille, son comportement commencer par devenir de plus en plus étrange.

Après RELIC il y a deux ans et ABUELA cette année, un autre film fantastique vient explorer la vieillesse et le rapport de notre société à ses ainés. S'il y a indéniablement du talent devant et derrière la caméra, si on appréciera quelques clins d'oeil au JOUR DE LA BÊTE, THE ELDERLY a le défaut de s'arrêter au moment où il devient intéressant, en témoigne un plan final qui laisse entendre que le film en dit trop ou pas assez. 

 

FIXATION | Mercedes Bryce Morgan (Canada / Etats-Unis / Allemagne) : Après avoir commis un crime indéterminé mais visiblement sanglant, Dora est examinée par des psychiatres pour déterminer son degrés de responsabilité en attente de son procès. Très vite, les tests vont devenir de plus en plus étranges. 

Il y a des films comme ça dans lesquels on peine à entrer. Ici, vous vous doutez que l'enjeu pour le spectateur va être de découvrir le crime de Dora et de savoir si elle est folle ou non. La réponse à cette dernière question ne va pas être simple, dans la mesure où apparait vite l'idée que l'on puisse être dans le délire de la patiente comme dans celui des psychiatres. 

On se perd plus qu'on ne s'égare dans une intrigue assez hermétique, sauvée seulement par des décors et une interprétation de qualité. Le tout étant au service d'un message assez basique, FIXATION est l'exemple du film qui a fait trop compliqué en essayant de ne pas faire trop simple.

LA MONTAGNEThomas Salvador (France) : "KWA ! Tu le mets en dernier alors que c'est lui qui a gagné !?".

Et bien oui.

Comme pour FIXATION, il y a des films qui vous parlent plus que d'autres et LA MONTAGNE m'a laissé de glace (haha !).
Deuxième long métrage de Thomas Salvador après VINCENT N'A PAS D'ECAILLES, LA MONTAGNE raconte l'histoire de Pierre, un ingénieur parisien qui plaque tout pour aller vivre en haute montagne, où des éboulement et des lueurs mystérieuses ce mettent à l'intriguer.

Sur le papier, le film avait mon attention mais je n'ai pas réussi entrer dedans. Que ce soit le personnage principal (une caricature de cadrillon sans réelles aspérités), des motivations assez obscures (on comprend qu'il se met à avoir une fascination malsaine pour la montagne mais rien ne vient vraiment le souligner), des scènes trop longues voire inutiles ou encore sa love story avec Louise Bourgoin à laquelle on ne croit absolument pas tant les deux personnages manquent d'alchimie, le tout menant à un dénouement qui...existe, LA MONTAGNE est pour moi un film dont on ne sait pas pourquoi il commence ni pourquoi il se finit.
Je prend d'autant moins de plaisir à écrire ça que, le film ayant remporté l'Oeil d'Or de façon assez large, il doit s'en dégager une poésie à laquelle j'ai été insensible.

En fait, c'est pire que ça : si je reconnais au film de très jolis plans sur la montagne, je ne comprend tout pas ce qu'on peut lui trouver.

Je ne vais toutefois pas reprocher à des gens de prendre du plaisir à voir une œuvre, le soucis vient peut-être de moi et je ne peux qu'adresser mes félicitations au réalisateur, d'autant plus qu'il m'a donné le sentiment d'être une personne adorable. Comme quoi, différencier l'homme de l'artiste ça marche aussi dans ce sens.

EN VRAC (aka : "FINALEMENT JE VAIS TOUS LES FAIRE")

Comme d'habitude, le PIFFF proposait également ses "Séances cultes" : des films un peu anciens projetés à nouveau sur grand écran en version plus ou moins restaurée. J'ai ainsi pu enfin voir SCHIZOPHRENIA dans une version correcte, j'ai rattrapé mon retard en voyant enfin HAUTE TENSION d'Alexandre Aja et CALIGULA de Tinto Brass ainsi que STRANGE DAYS de Kathryn Bigelow. Que dire sinon que Neil Marshall est venu nous présenter son nouveau film : THE LAIR qui est une sorte d'OVERLORD en moins bien et avec des talibans, que SHIN ULTRAMAN c'est sympa mais il faut aimer les tokusatsus  et que VENUS, le dernier Jaume Balaguero est tout à fait honnête pour qui aime les histoires de sorcières. 

Et pour être complet, H4Z4RD, l'histoire d'un fan de tuning qui va se retrouver embarqué dans une histoire rocambolesque où sa bagnole prendra cher est plutôt chouette, THE PRICE WE PAY ressemble à une version un peu plus énervée de FRONTiERE(S) de Xavier Gens, GLORIOUS raconte l'histoire d'un homme à qui une créature lovecraftienne parle à travers un glory hole, et aurait fait un court-métrage intéressant s'il n'avait pas été inutilement étiré jusqu'à un twist le vidant de sa substance, j'ai pas mal dormi pendant SOMETHING IN THE DIRT donc, pas d'avis.... et si vous avec tout compris à ELECTRIC DRAGON 80.000 V, ne prenez pas le volant. 

Voilà, aucune certitude concernant la possibilité d'être de nouveau là en intégralité l'année prochaine, quoi qu'il en soit, j'essaierai d'en voir le plus possible, en espérant que ce coup-ci, je ne rate pas le gagnant.

Publié dans Cinéma, Festival, Max Linder, PIFFF

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