SANTO ET LE TRESOR DE DRACULA

Publié le par Antohn

« Non non non. Je n'irai pas dans ce cimetière, même si je dois mourir! »

 

Si l'on vous demande un jour quel est le sport national au Mexique, vous serez nombreux à répondre le foot, ou la boxe. Beaucoup oublierons le catch et pourtant ce divertissement sportif (connu là-bas sous le nom de lucha libre) possède dans ce pays le statut de véritable religion et il ne s'agit pas ici d'une formule: certaines églises organisent bel et bien des matchs de catch le dimanche pour illustrer la lutte entre le bien et le mal. Il n'est donc pas étonnant que les mexicains aient utilisé le catch comme matière principale de certains de leurs films d'aventure, films où les plus grandes vedettes de l'époque savataient allègrement du méchant tout en défendant la veuve et l'orphelin.

 

La preuve que c'est un héros: il a une cape.


Le plus grand lutteur de l'époque était un certain Rodolfo Guzman Huerta, dit « El Santo » (le Saint) ou « El Enmascarado de Plata » (l'Homme au Masque d'Argent), rapport au masque argenté sans lequel il ne se montrait jamais et avec lequel il fut même enterré. Refusant d'attaquer un adversaire dans le dos, ou a terre, Santo avait une image de chevalier blanc des rings, c'était le héros sans peurs et sans reproches (et sans chemises) auquel le public se devait de s'identifier. C'est logiquement que les producteurs se tournèrent vers lui pour jouer dans les premiers films de catcheurs mexicains. En 1952, sort le premier film consacré au personnage d'El Santo, « El enmascarado de Plata ». Bizarrement, ce n'est pas Santo qui joue le rôle, il ne fait ses débuts qu'en 1958 dans le film « Santo contra cerebro del Mal » (Santo contre le cerveau démoniaque), premier d'une série de cinquante quatre films dont le dernier sortit en 1982, deux ans avant la disparition de Santo, decédé d'une crise cardiaque lors d'un match, dix jours après avoir retiré son masque en direct lors d'une émission de télévision.

 

El Santo, physicien nucléaire de renommée internationale, justicier masqué, catcheur émerite... Je vous fiche mon billet qu'en plus il sait faire une mayonnaise.

 

Au cours de ces cinquante quatre long-métrages (dont seuls huit sortirent en France), Santo affronta tout ce que la création compte d'affreux jojos: trafiquants de tous poils, extraterrestres, savants fous, vampires, loups-garous, momies aztèques, prêtres vaudous, il rencontra même Capulina (le de Funès mexicain)...et même le Diable! Ici, c'est à un vampire que Santo a affaire et pas à n'importe quel vampire, le seul, l'unique, l'implacable, le comte Dracula! Outre les films de catcheurs, le Mexique produit à l'époque des films d'horreur de très bonne qualité, des films de vampires essentiellement et c'est à un réalisateur chevronné, René Cardona Sr, qu'est confiée la réalisation de ce film. A noter, pour l'anecdote, que René Cardona Senior tourna deux versions du film, une tout public, dont il est question ici, et une autre avec des passages légèrement plus érotiques, sortie au Mexique sous le titre de « El Vampiro y el Sexo ».

 

Un laboratoire dans le plus pur style " fin 60's, début 70's" (et encore vous n'avez pas tout le sabir pseudo-scientifique qui accompagne la scène).

 

Tout commence dans le bureau du professeur Sepulveda, celui-ci présente l'un de ses amis à une assemblée de scientifiques venus du Monde entier. Cet homme, c'est Santo, un scientifique de renom qui vient de mettre au point ni plus ni moins qu'une machine à remonter le temps dont le but est de résoudre les énigmes du passé. Lors d'une démonstration, il envoie son assistante, Luisa, au XIXe siècle. Là, elle fait la connaissance du comte Alucard qui tente de la séduire. Tout irait pour le mieux si derrière ce pseudonyme transparent d'Alucard ne se cachait le comte Dracula auquel Luisa n'échappe que d'extrême justesse, grâce à l'intervention du professeur van Roth (quelqu'un devait avoir des droits sur le nom « van Helsing »). Le film n'est pas commencé depuis vingt minutes que Santo apprends l'existence d'un médaillon dont les deux moitié réunies permettraient de trouver la crypte dans laquelle repose Dracula, crypte où est enfoui un trésor fabuleux.

 

Une machine à remonter le temps qui a en grande partie inspiré Mike Myers pour "Austin Powers"

 

Le trésor n'est en réalité qu'un « Mac Guffin », comprenez par là un prétexte pour faire avancer l'intrigue. Je ne devrais pas vous le dire mais bon, après tout, au point où on en est: le film se termine sans que personne ne le trouve ce fameux trésor (et manifestement tout le monde s'en tamponne le coquillard avec une couenne de lard comme disait mon grand-père). Le trésor, disais-je, n'est que l'occasion pour les scénaristes de mettre sur la route du vengeur masqué une horde de vilains pas beau qui doivent même sentir des dessous de bras tellement ils semblent peu catholiques.

Notons que le but de Santo ne semble pas vouloir s'emparer du trésor par cupidité, mais uniquement pour empêcher les méchants de service de s'emparer de la cagnotte et de l'utiliser à afin de favoriser leur entreprise criminelle.

 

"Canine gauche: prête; canine droite: prête, regard hypnotique: prêt; morsure fulgurante: chargée à 70%"


Comme vous vous en doutez, tout se termine par des bagarres: les adversaires d'El Santo ont pour habitude d'oublier qu'ils sont armés quand ils voient Santo. Résultat, ils l'attaquent de front et se font ratatiner par le colosse. Impuissant devant la force de notre héros, le chef des mafieux a même une idée de génie: Santo est un lutteur émérite (puisqu'on vous le dit!) or il se trouve que son propre fils, Atlas et lui aussi catcheur (et l'acteur qui le joue semble lui aussi être catcheur: il s'agirait d'un certain Guillermo « El Lobo Negro » Hernandez). Quoi de mieux, donc, que de régler tout ceci sur un ring? Les rares films d'El Santo que j'aie eu la chance de voir comportent tous un match de catch, visiblement enregistrée lors de galas quelconques, ce qui a pour effet de faire des scènes réalistes mais aussi d'utiliser pleins de figurants que l'on aura pas à payer. Je vous laisse deviner qui gagne à la fin, tout ce que je peux vous dire c'est que le dénouement est assez convenu, malgré un deus ex machina final digne d'une mauvaise BD (ou d'un scénariste qui aurait expédié la fin de son script en balançant la première idée qui lui passait par la tête).

 

Perico, sidekick comique de service. Accessoirement physicien nucléaire (sisi, la preuve: il a des lunettes).

 

En définitive « El Santo et le Trésor de Dracula » est un de ces petits bijoux de kitcheire comme je les aime. Une fois assimilé le fait que le héros principal se balade avec un masque de catcheur qu'il n'enlèvera jamais (même pas pour dormir), une fois habitué aux singeries de son bras droit, Perico (Alberto Rojas) et une fois faits à l'idée que le scénario sera d'un manichéisme à faire passer Le Pen ou Besancenot pour des gens ouverts et tolérants, alors c'est un film qui se laisse regarder pour peu que l'on ait mis son cerveau au vestiaire. A déconseiller quand même aux plus de douze ans.

Il fait même décapsuleur! Quand je vous dis qu'El Santo est parfait!

 

Fiche technique:

Titre original: « Santo en el tesoro de Dracula »

 

Réalisateur: René Cardona Sr

 

Année: 1968

 

Pays: Mexique

 

Durée: 1h21

 

Genre: L'homme au masque d'argent contre l'homme aux canines en plastique.

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