Vite vu : Les filles au Moyen-Âge

Publié le par Antohn

Vite vu : Les filles au Moyen-Âge

Lorsque j'étais étudiant, j'ai lu un essai de la médiéviste Régine Pernoud qui s'intitulait "Pour en finir avec le Moyen-Âge". Elle y pourfendait alors l'idée selon laquelle le Moyen-Âge était une période sombre où les deux tiers de l'Humanité n'avaient d'autre but dans la vie que de gratter la glèbe pour nourrir l'autre tiers, qui, lui, ne pensait qu'à se battre.

Tiens, par exemple, lecteur, tu savais qu'à l'époque on savait déjà que la Terre était ronde ? Tu savais que les hommes du Moyen-Âge étaient beaucoup plus propres que ceux de la Renaissance ? Que les chasses aux sorcières n'ont réellement commencé qu'au XVe siècle ? Et les vitraux de Notre Dame et de la Sainte Chapelle à Paris, tu sais pourquoi ils n'ont pas été détruits à la Révolution ? Parce que personne n'avait plus le savoir-faire pour reproduire de telles œuvres !

Régine Pernoud était également connue pour ses ouvrages sur la place de la femme au Moyen-Âge, qui était bien plus importante que l'on veut bien le raconter parfois. Pour faire simple, une femme pouvait faire presque tout comme un homme. Techniquement, elle pouvait même devenir reine de France : la loi salique, qui interdisait notamment à une femme de monter sur le trône datait du VIe siècle et a été oubliée pendant des lustres, avant d'être exhumée au XIVe siècle. Les femmes au Moyen-Âge pouvaient être très puissantes et l'époque était beaucoup moins rétrograde qu'on ne le pense.

C'est un peu le sujet de base des "Filles au Moyen-Âge", une sorte de petit OVNI filmique comme on en voit peu.

Ce qui marque avant tout, si l'on excepte l'originalité du sujet, c'est l'originalité de la narration. Découpé en chapitres, ce film prend pour prétexte à son début une dispute entre deux groupes d'enfants: les graçons voulant "jouer au Moyen-Âge" sur leur console (en fait des images de Skyrim sorties de leur contexte) et les filles voulant jouer au Moyen-Âge dans le jardin. Appelé à la rescousse pour régler ce soucis, le grand-père de l'un des filles (Michael Lonsdale, merde, quoi la classe !) s'aperçoit horrifié que dans l'imaginaire des enfants, une femme au Moyen-Âge ne sert qu'à être une princesse ou une sorcière et à se faire enlever ou pourchasser. Se munissant alors d'un livre orné d'une rosace (dotée d'une volonté propre), il entreprend de leur raconter une histoire, ou devrais-je dire, de leur raconter l'Histoire.

Vite vu : Les filles au Moyen-Âge

Et c'est là qu'intervient le point le plus intéressant du film : ce sont les enfants qui jouent la totalité des personnages présentés par le grand-père, dont la voix introduit les saynètes avant de s'effacer pour laisser place à leur imaginaire à eux. C'est assez déroutant au début mais on s'y fait. Ces saynètes sont d'autant plus agréable que les dialogues y sont quand même écrits avec un certain talent. Il est très dur de faire parler un enfant ou un personnage historique de façon naturelle et là le réalisateurn, Hubert Viel, n'est pas tombé dans le piège de les faire parler autrement que... comme des enfants, c'est à dire avec leurs mots et leurs expressions à eux.

Résultat, cela confère à ce film une certaine fraîcheur, voire une certaine naïveté. Mais une naïveté positive, celle que nous avions la plupart d'entre nous, gamins, quand s'amuser et savoir ce que l'on mangeait ce soir étaient nos principales préoccupations. C'est également l'époque où tous les préjugés que l'on peut avoir par la suite n'existent pas encore et où se demander "pourquoi" passe pour de la curiosité et non pour de l'ignorance.

Permets-moi toutefois de ranger mon cirage cinq minutes, lecteur : ce film a évidemment quelques défauts. Le principal d'entre eux est que beaucoup de scènes s'étirent en longueur et que, finalement, sur une heure et demie de film, il y aurait eu peut-être la place pour présenter quelques personnages supplémentaires. De plus, le film a un côté "vhs qu'on te passerait au catéchisme", qui, à mon sens, lui enlève un peu de charme, la faute surtout à une interprétation parfois maladroite et à un habillage sonore et visuel un peu vieillot (ainsi qu'à une image filmée en 4/3). Maintenant, ça, c'est juste un avis esthétique, d'autres s'en ficheront.

La mauvaise nouvelle, surtout, c'est qu'au dernier pointage, ce film n'est projeté que dans deux salles, à Paris (le Mk2 Beaubourg et le Reflet Médicis). La bonne étant que, celui-ci étant distribué par Potemkine, qui est également éditeur vidéo, il n'attendra pas longtemps avant de sortir en DVD. Mais peu importe le support, je ne serais que de te conseiller de te jeter dessus, lecteur: non seulement on en sort plus instruit mais, surtout, on en sort beaucoup plus heureux et un film capable de ça ne mérite que d'être connu.

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