La Momie Aztèque
J'aime le cinéma mexicain, à peu près autant que le ciné italien. Il y à a peu près les mêmes ingrédients dans les deux : du kitsch, un manque de moyens masqué avec plus ou moins de talent et une tendance assez furieuse à n'avoir peur de rien. Et comme pour le cinéma italien, le cinéma d'exploitation mexicain regorge de pépites oubliées: si tu tombes, par exemple, lecteur, sur "Les Proies du Vampire" de Fernando Mendez, je te conseilles de te jeter dessus comme la vérole sur le bas-clergé breton. De même, saches que dans les années 30 la Universal réalisait des remakes mexicains de ses productions destinées au marché sud-américains et que la version "Amérique latine" de "Dracula" (celui de 1931) passe pour être supérieure à celle de Tod Browning. Cette collaboration permettait également à des réalisateurs et des techniciens locaux de se faire les dents et/ou de puiser de l'inspiration. Parmi eux, Rafael Portillo, qui, en 1957, signa un film qui connut un certain succès sur la rive Sud du Rio Grande : La Momia Azteca, ou "La Momie Aztèque" dans la langue des lecteurs de ce blog.
Au vu du film, d'ailleurs, on peut comprendre son succès tant il ressemble plus à un florilège de ce que savait faire le réalisateur qu'à un film structuré. Tu veux une intrigue policière ? T'en aura ! Tu veux de l'historique ? T'en aura ! Tu veux de l'horreur et du fantastique ? T'en aura ! Tu veux de l'humour ? T'en aura ! Tu veux de l'érotisme ? Ben... à condition de ne pas être trop difficile t'en aura ! Il y a tout, je te dis ! "Même pas besoin d'aller voir un autre film" comme disait une vieille bande annonce.
Vous vous en doutez donc : l'histoire est à la fois très simple et très compliquée. Alors que l'on s'attendrait à des archéologues se frayant un chemin dans la forêt vierge à la recherche d'une quelconque cité perdue, nous assistons à... une course poursuite entre la police et un groupe de criminels. Et une voix-off de nous apprendre qu'un criminel du nom d'El Murcielago ("La Chauve-Souris") sème la terreur et déjoue un à un les plans visant à le capturer. On ne sait que peu de choses de ce criminel, si ce n'est qu'il semble être un scientifique se servant de son esprit diabolique pour fabriquer des gadgets et mener des expériences probablement malhonnêtes. Cela est d'autant plus fâcheux qu'au même moment se tient un congrès de scientifiques mexicains et que l'un d'entre eux a fait une découverte qui pourrait révolutionner notre perception du Monde.
"L'un d'entre eux", c'est le docteur Eduardo Almada, qui revient au Mexique après avoir passé un peu de temps à l'étranger. Et devinez avec quoi il est revenu le bon docteur ? ... Non ! Pas "une Statue de la Liberté dans une boule à neige" ! La certitude que, par l'hypnose nous pourrions revivre nos vies passées. Évidemment, cela implique quelques présupposés, à commencer par le fait que notre âme soit immortelle... et qu'il y ait aussi un minimum de preuves car, du propre aveux d'Almada, tout ceci n'est qu'une théorie.
La raison est simple: revivre une vie passée peut avoir des effets potentiellement dévastateurs et aucun cobaye ne s'est porté volontaire pour tenter l'expérience, personne d'assez fort mentalement, en tout cas. Vous vous doutez bien que ses confrères ne vont, pour certains, pas vraiment gouter la plaisanterie et abreuver notre bon docteur de lazzis, de moqueries et de quolibets en tout genre. Et si, lecteur, tu n'a pas déduit que parmi les plus farouches opposants à cette théorie se cache la Chauve Souris c'est que tu dors mon cher, et on en est qu'au milieu de l'article pourtant!
Avant de perdre toute crédibilité, le docteur Almada se doit donc de trouver un cobaye au plus vite, sauf que, chez lui, ils ne se bousculent pas : son mentor et (futur) beau-père, le docteur Sepulveda ? Trop vieux et fragile. Son fidèle laborantin Pinacate ? C'est le couard ultime, c'est même lui qui fournit les scènes comiques du film, hors de question ! Reste sa fiancée, Flor, qui, par un heureux hasard se porte volontaire. S'ensuit alors une scène d'hypnose, qui doit être la plus réussie du film, bien qu'elle nous laisse par certains aspects, une impression de déjà vu.
Car dans son hypnose, Flor se souvient qu'elle a vécu il y a plusieurs siècles à Tenochtitlan (l'actuelle Mexico). Elle s'appelait alors Xochitl et était prêtresse d'un dieu au nom imprononçable. Par "prétresse", comprenez par là qu'elle a été consacrée à ce dieu dès sa naissance et qu'elle n'a d'autre but dans la vie que d'y être sacrifiée le jour de ses 20 ans. Tout irait à peu près bien si Cupidon avec son arbalète (oui, à ce stade-là c'est plus un arc, tu va voir...) ne s'en était pas mêlé. En l’occurrence, il n'a pas trouvé plus rigolo que de décocher ses traits dans le coeur de Xochitl et de Popoca (j'en entends un qui pouffe au fond !), un guerrier probablement intrépide, mais peu importe. La persuadant qu'une vie longue et pleine d'amour était probablement un sort préférable à une dague d'obsidienne dans le thorax, Popoca tenta de fuir en compagnie de Xochitl avant de se faire prendre en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire.
Leur châtiment est évidemment terrible: au cours d'une cérémonie dans un temple de carton pâte (mais tournée visiblement en Nahuatl, la langue des Aztèques), Popoca est condamné à boire une mixture à la composition étrange sensée le plonger dans un état de catalepsie avant d'être enterré vivant. Quant à Xochitl, elle finit sacrifiée mais non pour honorer son dieu, simplement pour le calmer. Suivant une étrange logique, on la revêt quand même d'un pectoral et d'un bracelet en or portant des inscriptions menant à un trésor fabuleux.
Un homme enterré vivant à cause de son amour sacrilège pour une prêtresse, condamné à veiller éternellement sur sa tombe et les trésors qu'elle renferme... Oui, ça rappelle assez fortement les films de momies anglo-saxons, où l'on aurait substitué les pyramides d'Egypte pour les pyramides Aztèques.
Bon, l'expérience est concluante. Reste à trouver des preuves irréfutables. Refaire l'expérience devant témoins ? Rien ne dit qu'il ne s'agira pas d'une supercherie, d'autant plus que le cobaye est la fiancée du scientifique qui fait la démonstration. Il reste le trésor: s'ils parviennent à trouver le temple, à mettre la main sur le pectoral et le bracelets et à retrouver le trésor grâce aux simples indications de Flor, ils l'auront la preuve ! En plus ça tombe bien, les ruines de Tenochtitlan sont à deux pas ! Ont dit bien qu'elles sont hantées et ils ont comme le sentiment que quelqu'un les observe (et pour cause puis que la Chauve-Souris se tapit dans l'ombre) mais la science passe avant tout !
En s'aidant des "souvenirs" de Flor, ils parviennent à trouver la chambre secrète, et, visiblement, personne ne se soucie que des types s'amusent dans les ruines d'une cité précolombienne à démolir des murs à coup de masse. Quoi qu'il en soit, Xochitl est bien là, enfin ce qu'il en reste, ce qui, vous vous en doutez, est un choc pour cette brave Flor. C'est un peu comme quand vous tombez dans un cimetière sur la tombe d'un homonyme (je connais quelqu'un à qui s'est arrivé) : vous avez beau savoir que ce n'est pas vous, ça fait quand même quelque chose. Et Flor de conjurer ses compagnons de quitter cet endroit au plus vite.
Résultat, ils embarquent juste le pectoral et oublient le bracelet. Ce n'est qu'en revenant le chercher dans la tombe qu'ils se rendent compte que leur escapade de la dernière fois à (enfin !) réveillé Popoca.
Soit dit en passant, je sais que ce film n'avait pas un budget monstrueux et que finalement ont ne la voit que quelques minutes mais la momie est quand même particulièrement ratée. Pour vous donner un exemple, même si l'image est assez parlante, imaginez un cosplayer de Leatherface dont les vêtements seraient passés dans un broyeur à feuilles mortes. Tout de suite, ça fait moins peur.
Cela fait d'autant moins peur que cette sorte d'incarnation de la mort qu'est sensée être une momie dans un film d'horreur est assez inoffensive : il cherche juste à récupérer les bijoux et, embarque, bien sûr Flor, la réincarnation de son amour perdu. Faites bien attention à ce point car il s'agit du seul élément tendant à donner une quelconque dimension psychologique au personnage de Popoca et, croyez-moi, ça manque. Sans aucune empathie pour le personnage, celui qui doit incarner celui dont l'amour a été plus fort que sa propre mort devient juste un truc qui grogne et qui se traîne et que les autres acteurs font semblant de trouver menaçant.
Menaçant ou pas, le monstre finit par être vaincu, Flor retrouve la liberté et tout finit par des chansons. Quant à la Chauve-Souris... Ah oui c'est vrai qu'on allait l'oublier celui-là ! Ben, disons qu'après avoir tenté de faire chanter nos héros, il se fait choper comme un vulgaire voleur à l'étalage, ce qui pour un super-criminel fait un peu tâche.
En définitive, que penser de la "Momie Aztèque" si ce n'est que ce film incarne la série B à l'état pur ? Il manque juste un luchador et nous aurions le film d'exploitation mexicain ultime. De façon assez prévisible, ce film a rencontré un énorme succès, à tel point que deux suites virent le jour dans les mois suivants : "La Malédiction de la Momie Aztèque" et "La Momie Aztèque contre le Robot". A noter que, si ce dernier titre peut faire rêver, le film en lui-même a la réputation d'être essentiellement constitué de stocks-shots des deux précédents et n'avoir donc qu'un intérêt relatif.
Vaut-il le coup de le dénicher ? Ben si vous pouvez le trouver pour 5 ou 10€ allez-y, par curiosité, ça vaut le détour. Artistiquement, si vous voulez de bons films de momies, ceux de la Universal et de la Hammer valent davantage le coup. Reste le frisson de l'exotisme et deux ou trois scènes assez réussies... et le fait de pouvoir vous vanter d'avoir regardé un film de momie mexicain !
Fiche technique :
Titre original : La Momia Azteca
Réalisateur : Rafael Portillo
Année: 1957
Durée: 1h20
Pays: Mexique
Genre: Aztèque haché.