Virus Cannibale
« Bande de salauds, on a pas le droit de tuer les autres, c'est pour çà que je vous tuerais! »
L'affiche française, l'une des seules à être un tant soit peu esthétique (source: nanarland.com)
S'il est une constante lors de la Nuit Excentrique, c'est bien ce que les habitués appellent la Malédiction du Troisième film, comprenez par là le coup de pompe qu'on les quatre-cent spectateurs « survivants » sur les coups des deux heures du matin, quand arrive l'heure du troisième film. Les programmateurs, dans leur infinie sagesse, ont pour habitude de diffuser alors le genre de film que beaucoup ne regretterons pas d'avoir raté, non qu'il soit soporifique mais tout simplement parce qu'il s'agit le plus souvent d'un classique que bien des gens ont déjà vu. Cette année, ce rôle fut dévolu au film « Virus Cannibale », film d'horreur du réalisateur italien Bruno Mattei.
Ce fut l'occasion de rendre hommage à ce Pape de la série Z italienne, décédé en 2007. Bruno Mattei s'est fait pendant plus de vingt ans une spécialité de recopier avec moins de moyens, tout ce qui lui tombait sous la main, que ce soit « Rambo », « Alien », « Terminator » (il sortit même un Terminator 2 avant James Cameron), « les Dents de la Mer », ou encore « Zombie ». C'est d'ailleurs de ce dernier film qu'est largement inspiré « Virus Cannibale », auquel il faudrait ajouter un bon morceau de « Cannibal Holocaust » de Ruggero Deodato (sans jeu de mots, bien evidemment)
.
"Alerte! Alerte! Il y a des gammas dans le module Antarès!" (sic)
Autant vous dire que l'histoire est relativement simple: lors d'une expérience dans une centrale nucléaire en Papouasie Nouvelle-Guinée, un virus mortel se répand, tuant une population qui se réveille sous la forme de zombies mangeurs de chair humaine, comme il se doit. Là où l'histoire est quand même un peu étrange, c'est que cette centrale/laboratoire/truc avec des scientifiques dedans avait pour but de trouver un moyen de nourrir le tiers-monde, avouez que s'arranger pour que ceux qui crèvent de faim se bouffent entre eux est une méthode un poil plus radicale que les sacs de riz.
"Râââh mon Dieu! Un horrible rat mutant me dévore de l'intérieur!
- Déconne pas Paulo, on voit bien que tu trimballe ta main sous ton masque."
Quoi qu'il en soit ce virus intrigue et une chaîne de télévision française envoie sur place sa meilleure spécialiste de la Papouasie, Lia Rousseau (Margit-Evelyn Newton) ainsi que son caméraman. Sur place, ils rencontrent un groupe de soldats d'élites dont la présence sur l'île n'est pas clairement définie: ils se disent en vacances mais je doute que des soldats en vacances (qu'ils soient d'élite ou non) se trimballent en uniforme et armés. Et puis la Nouvelle-Guinée c'est quand même un endroit bizarre pour passer ses vacances, mais passons.
"Le problème Ms'ieur Mattei, c'est que je veux bien que des types dans "Zombies" se trimballent avec le même uniforme mais là en plein jour ca fait vraiment agent EDF, quoi!"
L'action se déroule en Nouvelle-Guinée mais ne vous attendez pas à ce que l'équipe du film se déplace là-bas: Bruno Mattei avait juste des stock-shots de documentaires sur les rites funéraires des Papous et cela lui donnait une bonne occasion de les utiliser. J'ignore où précisément le film fut tourné: l'imdb situe le tournage aux environs de Barcelone mais le fait que tous les véhicules présents dans ce film soient immatriculés à Paris me laisse supposer un tournage dans la forêt de Fontainebleau. Outre ces extraits de documentaires, Bruno Mattei tentera à tout pris de nous faire croire que nous ne sommes pas en Europe en ou abreuvant d'images d'animaux, ou de cérémonies religieuses indigènes, sans tenir compte, bien sûr, du fait que la qualité d'image change d'un plan à l'autre et que la plupart des animaux montrés n'ont jamais mis les pattes en Papouasie, la grande star étant la gerboise, mammifère d'Afrique, qui eut, il faut bien le dire, un certain succès lors de ses apparitions.
C'est l'heure du rongeur.
"Chouette les mecs encore tout un tas de figurants qu'on aura pas à payer!"
Plus que de liants, bien des stock-shots servent même de prétexte à certaines scènes. Le plus bel exemple étant lorsque nos vaillants héros se voient obligés d'infiltrer un village de papous pour en savoir plus. Coup de chance, il s'avère que Lia Rousseau reviens d'une mission d'un an où elle a vécu au milieu d'une tribu papou et elle sait comment se faire accepter par ces sauvages: en se déguisant en papou. Je ne suis pas sûr que de vrais papous se seraient laisser abuser mais la poignée de figurants maquillés sensés représenter ce peuple farouche n'y voit que du feu et la laisse déambuler avec son pagne en lierre et ses peintures aux endroits stratégiques.
Comment çà "un pretexte"?
"C'est bon, ca tourne! Les papous derrière tâchez de garder votre sérieux ce coup-ci!"
D'ailleurs, sans vouloir nier à Margit Evelyn Newton de quelconques talents d'actrice (disons qu'elle est mauvaise mais qu'on a vu pire), disons qu'elle n'est employée ici que pour hurler et fournir à un public peu regardant la scène de nu qu'il attend. De façon générale, il n'y a pas un personnage qui sorte réellement des stéréotypes: la scream-queen est là pour crier, son caméraman est là pour se faire bouffer et les soldats d'élite pour tirer sur des zombies. A ce propos, pour des soldats d'élite, nos quatre Charlots vont se montrer d'une inefficacité crade. Si vous avez déjà vu un film de zombies, vous savez qu'il n'y a qu'un seul moyen pour s'en débarrasser. A vrai dire il y en a deux: le lance-flammes, méthode couteuse en énergie et relativement lente et, la préférée des scénaristes, la balle entre les deux yeux, appelée aussi « headshot » ou « grosse bastos dans la tronche ». Il semble que ce corps d'élite n'a jamais vu le moindre film de zombies puisqu'il leur faudra un temps avant de comprendre que c'est dans la tête qu'il faut viser, ce qui ne serait rien si ces derniers ne mettaient pas une heure dix à mettre ce principe en pratique, ou alors c'est qu'ils sont incapables de viser correctement, ce que je me refuse à croire.
Encore que, il y a bien des figurants qui sont incapables de jouer correctement...
... des maquilleurs incapables de maquiller correctement...
... et des infographistes incapable d'écrire français correctement ("Lia Rousseau du territoire Papua", sisi c'est sensé vouloir dire quelque-chose.)
Le seul personnage qui sorte un peu du lot c'est le soldat Osborne (Josep Lluís Fonoll) dont la prestation est transfigurée, d'une part par un cabotinage de première qualité mais aussi par un doublage qui ne fait que renforcer les moments de roues-libre de cet acteur.
"Combien de fois il faut que je vous le dise: C'EST DANS LA TÊTE QU'IL FAUT VISER!"
Aussi fauché que peut l'être un film de zombies, copiant sans vergognes sur ce qui a déjà marché ailleurs « Virus Cannibale » essaie tant bien que mal de transmettre un message mais surtout parce qu'il s'agissait d'imiter Romero qui a pour habitude dans ses films, de faire passer un message politique (et même quand il ne veut pas en passer, des critiques s'arrangent pour les trouver à sa place). Là le message est simple: il ne faut pas faire d'expérimentations parce que c'est pas bien de se prendre pour Dieu et on s'étonne après qu'avec leurs satellites y nous détraquent le temps ma bonne dame et que les papous finissent par se bouffer entre eux. L'autre message est que les pays riches laissent tomber les pays pauvres, à ce sujet Mattei nous gratifie d'une scène magnifique où un ambassadeur en costume traditionnel africain (le fait que la Papouasie-Nouvelle-Guinée soit un archipel océanien semble avoir échappé à pas mal de monde) nous fais un laius sur le fait qu'on abandonne son peuple et que tout ça c'est de la faute des européens, puis la caméra s'éloigne et nous montre que cet homme est seul, dans un amphithéâtre transformé pour l'occasion en salle de conseil de l'ONU.
Les expériences génétiques c'est mal et le Tiers Monde est pauvre... il y a pas à dire mais « Virus Cannibale » c'est un film qui dénonce.
Bruno Mattei nous quitta pendant la post-production du film « Zombies: The Beginning », copie quasi-conforme d' « Aliens » avec des morts-vivants à la place des monstres, film symptomatiques de sa façon de travailler. Ici, il nous pioche un peu partout, et finit par nous fournir une sorte de mélange entre les films de zombies et les films de cannibale, avec son quota d'hémoglobine, d'organes et de viscères fournies par les Boucheries Bernard et de figurants maquillés au crayon. Tentant de masquer son opportunisme par de pseudos-messages subversifs, le film de Bruno Mattei ne réussit à en faire passer qu'un seul: n'est pas mort celui que le ridicule n'a pas achevé.
"En parlant de ridicule, je peux enfin l'enlever ce maquillage idiot?"
Fiche technique:
Titre original: Virus, l'inferno dei morti viventi
Réalisateur: Bruno Mattei (sous le pseudonyme de Vincent Dawn)
Pays: Italie/Espagne/France
Année: 1980
Durée: 1h 34
Genre: Tripes à la mode du coin.