Touch' pas à mon biniou
Les films de Bernard Launois me rappellent cette scène de « L'Aile ou la cuisse » où un patron de restaurant reproche à Louis de Funès d'avoir fait fermer son restaurant après une critique assassine. Il lui parle alors de son établissement, de sa cuisine et de combien il l'aimait ; « Mais c'était de la merde ! » rétorque alors de Funès. « Oui, lui dit-il alors, mais au moins c'est moi qui la faisait ». Bernard Launois, c'est un peu la même chose : il est conscient que ses films ne sont pas toujours à la hauteur de ce qu'il voulait mais peu importe, il voulait faire des films et il en a fait c'est tout ce qui compte.
Évidemment, on parle quand même du réalisateur de « Devil's Story » mais ce serait occulter le fait qu'il n'existe pas en ce bas monde de réalisateur complètement irrécupérable et Bernard Launois ne déroge pas à la règle, même si on ne peut pas dire que je vais vous parler d'un chef-d'oeuvre.
Mon grand-père m'avait dit un jour que l'on mesure la qualité d'un Homme à sa capacité à s'entourer, dans le cas de Bernard Launois, il lui est arrivé de tourner avec quelques acteurs professionnels (et renommés). Avant « Devil's Story », il tourna notamment une comédie intitulée « Sacrés Gendarmes », où il avait réussi à embaucher quelques acteurs de renom comme Jacques Balutin, Daniel Prévost, Robert Castel et Sim. Il faut croire que le courant avec ce dernier est plutôt bien passé puisqu'il s'embarqua avec lui pour un second film : « Touch' pas à mon biniou ».
Selon Sim, qui parlait volontiers de cette expérience, le film devait s'appeler à l'origine « Bas les pattes de ma cornemuse ». Il parvint à convaincre le réalisateur que le titre n'était peut-être pas si bien trouvé que çà. C'est ainsi que Bernard Launois changea le nom de son film pour l'appeler « Touch'pas à mon biniou ».
Pline l'Ancien disait qu'il n'existait pas un œuvre, même la plus mauvaise, qui ne comporte un bon passage, une idée intéressante. Dans « Touch' pas à mon biniou » l'élément à sauver, c'est l'idée de départ. Tout commence dans une ville indéterminée que l'on soupçonne être en Bretagne. Le héros, Gaëtan, est une espèce de bon à rien, un gringalet vivant essentiellement aux crochets de sa femme, « Madame Kelouette » qui tient d'une main de fer l'hôtel restaurant local. Sans le sous, Gaëtan cherche alors à récolter, par divers moyens, suffisamment d'argent pour se rendre à la finale du championnat de France de belote, argent qu'il cache... dans son biniou.
Or, il se trouve qu'un car entier de touristes vient de s'arrêter dans l'hôtel, l'occasion idéale de se faire quelques sous.
Les cuisines de la pension Kerlouette où le chef se contente d'ouvrir des boîtes de conserves. Pour être sûr que nous ayons bien saisi le sel de la situation, nous aurons droit à plusieurs reprises à cette scène.
Sur le papier c'est sympa non ? En plus, on a Sim et Henri Génès, ce ne sont pas d'immenses stars mais ce sont des acteurs comiques solides. Mais voilà il y a le reste.
Le reste c'est d'abord les acteurs qui les entourent. Il y en a qui font correctement leur travail, certes, mais d'autres donnent tout au long du film le sentiment de ne pas réellement savoir ce qu'ils font. Je pense notamment à la femme de chambre de l'hôtel, qui réussit à torpiller le maigre potentiel comique de chacune de ses scènes. On ne peut pas foncièrement dire que ce qu'elle ait à jouer soit génial mais en plus elle le fait en annonant son texte d'un ton qui se veut impertinent mais qui n'est que monocorde.
En fait, il y a deux actrices en gros manque d'inspiration dans ce film: la femme de chambre...
...et la chauffeuse du car. A leur décharge, leurs personnages sont suffisamment caricaturaux pour ne pas être crédibles à la base.
Et s'il n'y avait que çà... après tout ce n'est qu'un personnage secondaire. Le gros soucis c'est que pour faire une bonne comédie, il faut de bons comédiens, un scénario intéressant et... ?
Ben oui, « des gags » !
Il y en a, bien sûr, et Bernard Launois en semble fier, très fier, trop fier oserait-je dire. Comprenez par là que ses gags ont la mauvais habitude de s'étirer en longueur. C'est un peu comme ces mauvaises blagues que l'on vous raconte en fin de soirées, le genre qui durent dix minutes et qui ne vous arrachent qu'un sourire à la fin : en dix secondes on sait que ce sera raté.
Dans la catégorie "que viennent-ils faire dans cette galère", voici Henri Génès dans le rôle de Riton, une espèce de gros beauf méridional doublé d'un dragueur lourdingue.
L'exemple qui marque tout spectateur c'est la scène du triporteur. Pour vous résumer la situation, Gaétan se retrouve dans le triporteur de son meilleur ami, Gus, pour aller épier deux jeunes femmes qui passent leurs vacances à proximité. Celles-ci auraient la particularité de se baigner dans leur piscine dans le plus simple appareil, ce qui, pour tour libidineux comme Gaétan ressemble à une aubaine. Rassurez-vous le Brocoli est un blog tout publics et la définition de « se baigner à poil dans sa piscine » dans ce film se limite à « barboter en chemise dans une espèce d'étang carré dont on ne voit pas le fond ».
Caméo de Bernard Launois, dans le rôle d'un chef d'entreprise bègue.
Résumons donc la situation : Sim est un marin d'eau sèche qui se planque dans un triporteur au bord d'une piscine. Dans toute bonne comédie, le triporteur finirait à l'eau, et bien figurez-vous que là aussi ! La seule différence étant qu'ici, cette scène dure près de dix minutes, cinq pendant lesquelles le véhicule tourne en rond avant de tomber à l'eau et cinq pendant lesquelles Sim se mettra à glapir qu'il ne sait pas nager. Et croyez-moi c'est long.
Pour des raisons physiques difficiles à expliquer, le triporteur, pourtant metallique, flottera pendant toute la scène et restera totalement immobile. C'est un détail, certes, mais c'est suffisant pour vous intriguer un long moment.
En un mot comme en cent, « Touch' pas à mon biniou » aurait pu être une bonne comédie si elle avait reposé sur plus de deux ou trois idées et sur quelques gags réussis. Malheureusement, et j'en avais déjà eu un aperçu avec « Devil's Story », Bernard Launois est un véritable champion pour ce qui est de « tirer sur la pellicule » comme il le dit si bien. Résultat, on se retrouve avec un film d'une heure vingt qui, avec un réalisateur conventionnel n'aurait pas duré plus de trente minutes.
La scène la plus drôle du film voit Sim tenter d'interpréter "Plaisir d'amour" à la cornemuse. Notez que cela n'empêche pas cette scène d'être bien trop longue.
Pour l'anecdote, Sim reprendra ce sketch quelques années plus tard dans une émission télévisée des "Grosses Têtes".
Autre effet secondaire, vous n'entendrez plus jamais de cornemuse sans penser à Sim!
Fiche technique:
Titre alternatif: Gueules de Vacances
Pays: France
Année: 1980
Durée: 1h23
Genre: Le triporteur de Fécamp.
P.S.: Comme tu l'as compris lecteur, on ne peut pas dire que ce film m'ait emballé. Maintenant, il se peut que tu ne sois pas difficile au niveau humour, ou tout simplement que tu sois curieux. Une précaution, alors, avant de courir à la Fnac (ou dans tout autre grand magasin qui vend des dvds), c'est un dvd avec ce visuel qui te faudra chercher:
Pour des raisons que j'ignore c'est sous ce visuel assez hideux que le film est aujourd'hui commercialisé. Quant au titre, il est encore plus étrange que l'original.