The Creeping Terror
Not dead which eternal lie
Stranger eons Death may die
Drain you of your sanity
Face The Thing That Should Not Be
Metallica, The Thing that should not be
Puisque je vous parlais la semaine dernière des "Tueurs de l'Espace" et de leurs extraterrestres aux yeux globuleux, il m'est venu à l'esprit que je ne vous avais jamais parlé de l'un des films cultes de tout amateur de craignos monsters, à savoir le fameux « The Creeping Terror ».
Il n'existe pas d'affiche de « The Creeping Terror », s'en est même à se demander s'il est sorti quelque part. Ceci n'est que la couverture du DVD sorti aux Etats-Unis, où il fut popularisé par le Mystery Science Theater 3000
Comme pas mal de nanars, « The Creeping Terror » possède une histoire étrange. A l'origine, il s'agit d'un projet d'un certain Vic Savage, acteur, réalisateur et producteur. Celui-ci avait déjà réalisé quelques temps auparavant, un film assez personnel, intitulé « The Street Fighter » où il racontait son enfance dans le Connecticut, où il fut rapidement obligé de se battre pour survivre. J'ignore ce que valait ce film mais il faut croire qu'il fut une expérience suffisamment concluante puisqu'il se mit rapidement à en mettre un second en chantier.
Malheureusement pour lui, ce fut le dernier.
Une anecdote en passant, le concepteur du générique est un certain Richard Edlund qui, quelques années plus tard, sera l'un d'un membres fondateur d'Industrial Light and Magic, à l'origine des effets spéciaux des Star Wars et d'Indiana Jones.
Fini les récits autobiographiques, Vic Savage avait décidé de se concentrer sur le genre à la mode : la SF. Il avait écrit un scénario où un monstre terrifiant tuait de paisibles californiens avant d'être vaincu par le héros à la grande joie de l'Humanité entière. Il avait tout, un casting (c'est même lui qui jouait le premier rôle), un réalisateur, et un budget de 10 000 dollars environ, pas énorme mais suffisant pour faire un film pour drive-in. On raconte même qu'il s'était fait fabriquer un mon costume de monstre pour les besoins du film, un costume plutôt réussi selon les témoins.
Peu de temps avant le début du tournage, il semble qu'une tuile lui soit tombée sur le coin de l'oeil. Les sources divergent. Certaines disent que l'on a volé le costume du monstre, d'autres affirment carrément que le réalisateur qu'avait engagé Vic Savage s'est sauvé en plein milieu du tournage en emportant la caisse, laissant Vic Savage seul pour finir le film.
La première hypothèse est la plus probable : Savage dut trouver en catastrophe un monstre de remplacement... quitte à le fabriquer lui-même.
Bon, il y a des cadrans et des voyants partout, ca fait bip dans tous les sens... On doit être dans un vaisseau spatial.
Comme un malheur n'arrive jamais seul, il perdit également une partie de la bande sonore et dut faire re-doubler certaines scènes par les acteurs. Et puis parfois, il n'a pas retrouvé les acteurs ou ceci ont refusé de revenir faire du doublage. Résultats, par moments, certaines scènes ne sont sonorisées que par une voix-off et il arrive également que dans d'autres on distingue clairement un acteur parlant sans que l'on entende quoi que ce soit.
"Alors, qu'avez vous vu?
-Hé ben...
"Le sergent explique alors qu'ils ont vu une créature terrifiante à l'intérieur du vaisseau. Ils ignorent d'où elle vient ni si elle est en mesure de sortir de là""
Reconnaissons une chose à Vic Savage, il n'est pas homme à abandonner et, alors que le commun des mortels aurait laissé ce projet dans les cartons, il a décidé de se battre et sortir ce film, coûte que coûte, en y mettant tout ce qu'il avait, voire plus si l'on considère qu'il ne fit jamais plus de film par la suite.
Un vaisseau spatial, habilement camouflé en buisson de génèvriers.
L'histoire, vous disais-je est assez banale pour un film de SF : une nuit d'été, en Californie, une fusée se pose sans que personne ne la voit ni ne l'entende. Pas de maquette en bois ici, simplement le stock-shot d'une fusée Mercury au décollage passé à l'envers (et peut-être filmé à même l'écran). Sortant du vaisseau, une chose horrible, se met alors à ramper en poussant des « Graou ! Graou ! » à vous glacer le sang. Cette chose ne peut pas exister, elle ne doit pas exister (et elle ne devait pas exister, de toutes façons), c'est une sorte de blob lovecraftien « une chose que je ne pourrais vous décrire car elle ne correspondait à rien de connu » comme on peut lire dans les mauvais textes.
Mais ici nous sommes au « Brocoli qui tousse » chers lecteurs et nous ne nous contenterons pas de tels artifices. En gros, pour vous décrire la créature, imaginez une sorte de gros tas de tapis poussiéreux cousus ensemble avec deux bonshommes dessous qui tentent autant que faire se peut de le faire avancer que de ne pas se casser la margoulette. Quant à la tête... vous voyez Sid l'opossum dans « l'Âge de Glace » ? Imaginez-le sans les dents de rongeur et avec une douzaine de tuyaux au sommet du crâne auxquels ont aurait collé des balles de ping-pong (encore !) pour figurer les yeux.
Vous voyez mal ? Bon je vous met une image mais c'est bien parce que c'est vous.
La terreur n'a toujours pas de visage... Par contre maintenant elle a une forme!
Comme vous pouvez le constater, c'est du brutal, je me demande même si le monstre de ce film n'est pas le pire qui m'ait été donné de vous montrer (et pourtant depuis deux ans la concurrence est rude). Avançant à la vitesse d'une limace en déambulateur, la chose dévore pourtant une bonne partie du casting, et pour cause puisque toutes ses victimes restent bêtement là à hurler au lieu de s'enfuir et, non contents de lui servir de buffet campagnard, on distingue clairement les figurants grimper dans ce qui sert de bouche à l'affreuse carpette, tout en continuant de hurler.
Considérez que je n'ai pas de cœur mais « The Creeping Terror » est le seul film que je connaisse où vous éclatez de rire en voyant quelqu'un se faire dévorer.
Le film en lui même n'est pas long mais, comme sa créature, il est lent, très lent. En témoigne cette scène dans un club de jazz (on a les boîtes de nuit qu'on peut!) qui doit s'étirer sur dix bonnes minutes, alternant entre les plans de gens qui dansent et les plans où l'on voit la créature avancer vers ses proies. Et je vous laisse deviner les façons stupides dont les danseurs se font dévorer : entre ceux qui restent bêtement dans un coin, ceux qui ne trouvent pas plus drôle que de se bagarrer pour emprunter une sortie alors qu'ils ont largement le temps de passer tous les deux. Le clou étant ce courageux héros qui décide d'attaquer le monstre... à mains nues !
Ce qui est interressant quand de telles scènes s'étirent en longueur c'est qu'à aucun moment on ne se prends de sympathie pour les figurants et que l'on ne souhaite qu'une chose: que le monstre débarque, les bouffe et qu'on en finisse avec cette scène soporifique.
Si vous vous voulez un résumé, disons que pendant une heure, la chose dévore des figurants au comportement incohérent, pendant que les autorités nient son existence « pour ne pas effrayer la population » (c'est vrai qu'il est mieux de laisser des gens se faire tuer, du moment que la population ne panique pas....), puis un personnage a l'illumination, découvre d'un coup comment est pourquoi le monstre boulotte des gens, l'armée intervient pour se rendre compte que les armes conventionnelles ne peuvent rien contre lui et puis il finit par se faire zigouiller dans des circonstances floues (… enfin, pas forcément floues mais je commençais à piquer du nez à ce moment).
Le tuning dans les années 60... Et le moins qu'on puisse dire c'est que c'était déjà laid.
En définitive, « The Creeping Terror » est le résultat de l'acharnement d'un homme, de quelqu'un qui n'a pas voulu se laisser abattre par le sort et qui est parvenu tant bien que mal à bricoler un film, à donner vie à ses rêves. Labor improbus omnia vincit (« Un trvail acharné vient à bout de tout ») lit-on dans les pages roses des dictionnaires, l'adage se vérifie une fois de plus même si le le résultat du labor improbus peut avoir une drôle de tronche.
Et c'est maintenant l'heure de la question de la soirée: "Qui va se faire bouffer dans trente secondes?"
Fiche technique :
Titre Alternatif : The Crawling Monster
Réalisateur : Vic Savage
Pays : États-Unis
Année : 1964
Durée : 1h 06
Genre : Serpilllère absorbante