Scandale et calomnie
Il est des jours où il faut savoir se souvenir du but premier de ce blog en particulier et du blog en général, à savoir raconter sa vie. Vous voulez un exemple: figurez vous que je déteste l'été, rien que voir ces reportages idiots à la télé sur des familles qui partent en vacances, ces types qui se baignent dans les fontaines à Paris ou sur les restos de bord de plage qui non contents de faire manger
de la merde à leurs clients la fond payer au prix du caviar, sans compter les présentateurs météo qui tout les matins nous disent qu'il faut nous réjouir parce qu'il va faire une chaleur à crever et que la norme communément admise veut que l'on se réjouisse quand il y a du soleil et trente degrés à l'ombre!
Mine de rien, rien que pour ronchonner à ma guise j'ai bien fait de me créer un blog, moi.
Où en étais-je? Ah, oui, l'été. Le seul avantage de cette saison maudite est que, ne sortant que quand je n'ai pas le choix, à cause de la chaleur, je prends le temps, non seulement d'écrire mais aussi de lire: deux bouquins en une semaine, ca fait un bail que cela ne m'étais pas arrivé!
J'ai donc continué dans la série des « William Monk », vu que j'ai promis de tous les chroniquer. Le précèdent, « La Marque de Caîn », avait pour point de départ la disparition d'un homme d'affaire londonien et des soupcons visant son frere jumeau. Ici, le point de départ est un procès en diffamation. Une certaine comtesse Zorah Rostova, citoyenne d'un petit royaume allemand indépendant comme il y en avait tant à l'époque, est accusée par l'épouse du prince héritier, déchu de ses prétentions aux trônes par son mariage, de l'avoir accusé d'avoir assassiné ce dernier à la suite d'un accident.
La princesse Gisela, c'est ainsi que les gens l'appellent, est l'héroïne de ce qui passe pour être la plus belle histoire d'amour du XIXe siècle: simple roturière, le prince Friederich de Felsbourg tomba amoureux d'elle et préféra renoncer au trône plutôt que de l'abandonner. Depuis ils vivent à Venise (miam!) et mènent une vie d'oisiveté entre bals et réceptions.
Cette histoire, qui n'est pas sans rappeler l'abdication du roi Edouard VIII (à qui on avait refusé l'union avec Wallis Simpson, une américaine, deux fois divorcée, de surcroit), se termine tragiquement: au cours d'une promenade à cheval en forêt, Friedrich tombe et meurt des suites de ses blessures. Inconsolable, la veuve ne veux plus voir personne et vit cloitrée à Venise, jusqu'au jour où elle apprends qu'on l'accuse d'avoir hâté la mort de son époux, mort en quelques heures alors qu'il semblait se remettre de ses blessures. Ne pouvant plus supporter la suspicion, elle attaque en diffamation la responsable de ces allégations et le roman commence pour de bon.
Vous vous doutez bien que la mort du prince Friedrich va vite s'avérer plus mystérieuse qu'il n'y paraît: les médecins attribuent sa mort à une hémorragie interne mais elle fut un peu rapide pour une hémorragie interne, en outre, bien des gens avaient des raisons de le tuer.
A cette époque, la Prusse tente de fédérer tous les royaumes allemands et le Felsbourg est partagé entre partisans de l'indépendance et partisans de l'union. S'unir à la Prusse signifierait la fin de leur identité mais se battre pour l'indépendance signifierait mener une guerre qu'ils seraient sûrs de perdre avec son cortège de sueur, de larmes et de sang. Partisan de l'indépendance, Friedrich avait été contacté par sa famille pour qu'il revienne, lui, évidemment, ne voulant revenir qu'à la condition d'emmener Gisela avec lui. A l'inverse, son frère, héritier du trône, est partisan de l'union et aurait tout intérêt à commanditer son assassinat, et il en est de même pour tous les autres partisans de l'union au Felsbourg.
Une autre hypothèse voudrait que le prince Friedrich soit mort après une tentative de meurtre visant Gisela: dans la mesure où la famille royale du Felsbourg ne voulait pas de Gisela, l'éliminer aurait réglé la question de la voir venir dans les bagages du prince.
En gros: il n'y avait pas un proche du prince Friedrich qui n'aurait pu être responsable de sa mort, y compris la comtesse Rostova, la seule personne n'ayant pas de mobile étant Gisela. Autant vous dire qu'Oliver Rathbone (quel autre avocat aurait pu se charger d'une telle affaire?) a du pain sur la planche et se lance à corps perdu dans l'affaire, animé par cette même impulsion qui pousse quelqu'un qui fonce dans un mur à laisser son pied sur l'accélérateur.
Et William Monk me direz-vous? Et bien il enquête, voyage en Europe et semble passer plus de temps à faire des courbettes qu'à trouver des indices: la version officielle des choses semble arranger bien du monde et personne ne tient à ce que l'on égratigne l'image de la « princesse » Gisela.
Le véritable enjeu est là: comment découvrir la vérité tout en sachant que les gens idolâtrent Gisela et refusent ne serait-ce que d'envisager que cette dernière ait pu vouloir du mal à son mari?
L'intrigue de « Scandale et calomnie » est assez complexe mais est de meilleure qualité que celle de « La Marque de Cain » dont le dénouement était prévisible dès le milieu du livre, ce qui n'est pas le cas ici: les cinq dernières minutes sont cruciales, et nous prouvent, une fois de plus, qu'il y a toujours un grain de sable pour gripper l'engrenage du plus parfait des crimes.
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