Petite initiation à la ripperologie
Il y a plusieurs avantages à héberger son blog sur Over Blog. Interface ergonomique, statistiques des visites, hébergement de photos et de vidéos et même possibilité d'être rémunéré en droits d'auteur en mettant des pubs sur ma page, dernières possibilité que je n'utilise pas, non pas par convenances personnelles mais simplement parce qu'avec une moyenne de cinq visiteurs par jour, ca encombrerait mon blog pour un résultat médiocre.
L'un de mes outils préférés sur le « tableau de bord » de ce blog est l'onglet « provenance des visiteurs » qui me permet de savoir, chaque matin, d'où sont venus mes visiteurs de la veille. Le plus souvent, les visites sur ce blog proviennent de google et d'internautes tapant des mots-clés qui les amènent ici. Quelquefois, ces mots-clés sont assez étranges: l'autre jour, un type est arrivé sur ce blog en cherchant du porno zoophile.
Ceci mis à part, cet outils m'a permis de me rendre compte que, parmi les quelques articles publiés ici, certains rencontraient un certain succès, notamment mon article sur le livre « Jack l'Éventreur, affaire classée » de Patricia Cornwell. C'est ainsi que j'appris que les énigmes policières intéressaient bien plus de monde que je ne le pensais et qu'il y avait des gens auxquels je pouvais parler de l'affaire « Jack l'Éventreur » sans qu'ils ne décrochent au bout de dix lignes.
Une bonne nouvelle n'arrivant jamais seule, il se trouve que je ne sais pas trop de quoi parler ces temps-ci aussi me suis-je mis en tête d'ouvrir une section « ripperologie » sur ce blog. En bon sorbonnard que je suis, je vais essayer de structurer mes articles et de commencer par une brève introduction sous forme de F.A.Q., introduction que j'ai appelée « Jack l'Éventreur pour les Nuls » ou « Brève introduction à la ripperologie » (ou « éventrologie », bien que ce terme soit relativement laid).
-Jack l'Éventreur a-t-il réellement existé?
La question peut paraître idiote mais le personnage fut tellement utilisé dans des œuvres de fictions que l'on en vient à avoir du mal à démêler le vrai du faux. La réponse est oui: Jack l'Éventreur a bel et bien semé la terreur en 1888 dans l'est de Londres, notamment dans le quartier de Whitechapel. Il est possible que les meurtres qui lui sont imputés soient l'œuvre de plusieurs tueurs mais les similitudes en matière de modes opératoires ne laissent planer que peu de doutes sur le fait qu'il s'agit de l'œuvre d'un seul tueur.
-Quel était son vrai nom?
C'est là que ca se corse: nous n'en savons rien pour la simple et bonne raison qu'il ne fut jamais appréhendé. Tout ce que nous savons, c'est qu'il cessa de tuer brutalement, ce qui laisse penser qu'il fut arrêté pour un autre délit, interné ou qu'il soit tout simplement mort à la fin de l'année 1888.
Interrogés bien des années plus tard, des policiers ayant travaillé sur l'affaire ont laissé entendre qu'ils savaient qui était Jack l'Éventreur mais que, pour une raison qui nous échappe; ils avaient préféré le taire. Résultat des courses: plus de cent-vingt suspects, plus ou moins crédibles, dont je vous détaillerais les cas plus tard, enfin, les plus intéressants, en tout cas.
-Combien a-t-il fait de victimes?
Autre énigme: certains lui attribuent neuf meurtres, d'autres quatre ou cinq. Si l'on résume, il a fait entre neuf et quatre victimes, très probablement cinq ou six. Parmi ces victimes, cinq sont appelées les « victimes canoniques », à savoir les cinq que la police avait à l'époque identifiées comme étant à coup sûr des victimes de l'Éventreur, à savoir, Mary Ann Nichols, Annie Chapman, Elizabeth Stride, Catharine Eddowes et Mary Jane Kelly. Notons que, de nos jours, le fait qu'Elizabeth Stride ait été réellement assassinée par l'Éventreur est remis en question.
-Quel était son mode opératoire?
Selon les indices retrouvés sur les lieux des crimes, il semble que le tueur abordait ses victimes en se faisant passer pour un client (ce qui est une approche habituelle et aisée, bien des tueurs en série se sont attaqués aux prostituées pour ces raisons). Il les entraînait dans un coin à l'écart, les étranglait, leur coupait la gorge et les mutilait. Les mutilations variaient d'un crime à l'autre, le plus souvent, le tueur ouvrait le ventre de sa victime et y prélevait un « trophée », l'utérus, un rein, la vessie. Lors des deux derniers meurtres, il mutila également le visage de ses victimes.
Selon les médecins ayant autopsié les corps des victimes, ces mutilations et la façon dont elles ont été opérées laisse penser que le tueur avait quelques connaissances en anatomie, ce dernier étant discuté, même à l'époque des faits.
-D'où vient ce nom de « Jack l'Éventreur »?
Du tueur lui-même, enfin, rien n'est moins sûr...
Quelques temps après le deuxième meurtre, une agence de presse reçut une lettre écrite à l'encre rouge, qu'elle transmit à la police et qui était sensée avoir été écrite par le tueur. De telles lettres, la police en a reçut des milliers durant des années mais celle-ci retint leur attention. Cette lettre prédisait d'autres meurtres qui eurent lieu peu de temps après, ce qui incita la police à la considérer comme une lettre du véritable assassin. Cette lettre, connue par les ripperologues sous le nom de lettre « Cher Patron » (« Dear Boss », puisque c'est ainsi qu'elle commençait), était signée d'un certain « Jack l'Éventreur » (« Jack the Ripper »). La presse s'empara alors de ce nom et c'est ainsi que l'on finit par connaître l'assassin sous ce sobriquet. De nos jours, bien des gens pensent que cette lettre était un canular, œuvre d'un journaliste du Sun pour faire vendre du papier.
A l'époque, il est également appelé « Le tueur de Whitechapel » et « Tablier de cuir », une légende urbaine circulant alors disant qu'un petit homme, portant un tablier de cuir, rançonnait les prostituées de l'est londonien en les menaçant de leur ouvrir le ventre si elles refusaient de payer. On ignore si ce « Tablier de cuir » existait réellement, et, si c'était le cas, nous ne savons pas s'il était bien lié aux meurtres.
-Combien de lettres a-t-il écrites à la police?
Certains vous parlerons de centaines de lettres, d'autres vous diront qu'il n'en a écrite aucune, vu qu'aucune ne fournit d'éléments qui n'auraient pu être connus que du tueur. Trois lettres ont particulièrement attiré l'attention de la police: une lettre commençant par « Cher Patron » (« Dear Boss »), une carte postale dite « « Saucy Jacky » postcard » (ce que l'on pourrait traduire par « La carte postale de Jacky le Farceur »), et enfin la lettre « De l'Enfer » (« From hell ») qui était accompagnée d'un morceau de rein identifié comme appartenant à l'une des victimes. Je reviendrais sur le cas des lettres dans un article ultérieur.
-Comment se fait-il que l'auteur de ces meurtres n'ai jamais été inquiété?
Ce n'est pas, comme on le lit parfois, parce que les victimes étaient des prostituées et que la police n'a rien fait pour trouver leur assassin. Évidemment, certains voyaient le meurtrier comme un citoyen faisant œuvre de salubrité publique en supprimant des putains mais la police de la reine Victoria ne pouvait décemment pas se permettre de laisser un homme massacrer des femmes sans rien faire. Le problème de la police londonienne, c'est qu'elle manquait d'effectif, notamment dans le quartier de Whitechapel qui était un quartier pauvre, très pauvre même, où le vol, le viol et le meurtre étaient quotidiens et souvent impunis. A cette époque, la seule réponse apporté à la criminalité était la répression: la justice victorienne ne plaisantait pas et un prévenu pouvait être envoyé au bagne voire même à la potence si un juge estimait qu'il était une nuisance pour la société. Ironie du sort, il fallut que ces atrocités aient lieu pour que l'on s'intéresse sérieusement au sort du million de personnes vivant à Whitechapel, dites-vous bien, par exemple, qu'avant 1888, il n'y avait aucun éclairage public dans ces quartiers.
Autre difficulté, la police ne disposait pas des moyens d'enquête que nous connaissons aujourd'hui. Pas d'analyses ADN, bien évidemment, pas de « profileurs », mais pas non plus d'empreintes digitales, ni de portraits-robots, il n'y avait que deux moyens de confondre un meurtrier: en le prenant sur le fait ou en le forçant à passer aux aveux.
Et puis force est de constater que l'Éventreur a eu de la chance: les corps de ses victimes n'ont le plus souvent été découvertsque quelques minutes après leur mort.
-Ce type apparaissait dans l'ombre et disparaissait dans l'ombre? Personne ne l'a vu?
Bien sûr que si, de nombreux témoins ont affirmé avoir vu le tueur et en ont donné un signalement précis. En 1988, à l'occasion des cent ans de l'affaire, des enquêteurs du FBI avaient recoupé ces témoignages et dressé un portrait-robot du tueur qui devait ressembler à ceci:
Évidemment, aucun témoin n'est encore là pour examiner ce portrait et il ne faut pas oublier que lesdits témoins ont pu se tromper et/ou que le tueur pouvait très bien porter une fausse moustache et une perruque. Et puis force est de constater que l'homme est d'aspect relativement commun: arrêter tous les hommes entre vingt-cinq et cinquante ans, bruns, de taille moyenne et portant moustache revenait à mettre sous les verrous la moitié de la population masculine de Whitechapel.
Ces mêmes enquêteurs du FBI ont tenté de dresser un portrait psychologique du tueur, selon eux, Jack l'Éventreur:
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Était blanc (comme 99, 9% de la population de Whitechapel).
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Était âgé d'entre vingt-cinq et trente ans (c'est, d'ordinaire, l'âge auquel les tueurs en série commencent à frapper).
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Était d'intelligence moyenne (il ne planifiait pas ses meurtres, qui semblent tous avoir été commis de façon opportuniste).
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Était d'apparence ordinaire (c'est pour cela qu'il parvint à se fondre dans la foule)
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Résidait à Whitechapel (les tueurs en série commettent souvent leur premier meurtre à proximité de chez eux).
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Avait dû, dans son enfance, subir des sévices (physiques ou morales) de la part d'une femme « dominante », ce qui expliquerais le choix des victimes et les mutilations.
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A probablement assouvi initialement ses pulsions en maltraitant des animaux, en manifestant un comportement violent et\ou en allumant des incendies.
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Occupait un emploi stable (les meurtres ont tous eu lieu entre le vendredi et le dimanche), il était peut-être boucher ou équarrisseur, ce qui lui permettait d'assouvir ses pulsions sans éveiller le moindre soupçon.
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N'avait pas de famille et peu, voire pas, d'amis (il commettait ses meurtres entre minuit et six heures du matin, ce qui signifie qu'il ne passait la soirée avec personne et que personne ne l'attendait chez lui).
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-Pourquoi ce tueur est-il resté dans la mémoire collective?
Parce qu'il n'a jamais été arrêté, d'une part, mais aussi parce que ses forfaits étaient horribles. Il n'était pas le premier tueur en série mais le premier dont les forfaits aient fait autant parler: l'affaire fut suivie dans le monde entier. L'affaire permit aussi de mettre en lumière les conditions de vie misérables des habitants de l'est de Londres et entraina une amélioration des-dites conditions de vie, les autorités ne pouvant se permettre de laisser subsister cet état de fait au su de tous. L'écrivain George Bernard Shaw déclara même dans une tribune publiée dans le Times que l'Éventreur avait été une bonne chose pour Whitechapel, la vox populi se souciant enfin d'une population pour laquelle elle n'avait aucune compassion quelques mois auparavant, bien au contraire.
Et puis le fait que cet homme ait assassiné de plus en plus sauvagement avant de s'arrêter aussi soudainement qu'il avait commencé, le fait que les meilleurs enquêteurs de Scotland Yard et d'ailleurs n'aient pas réussi à l'appréhender fait que le cas continue de fasciner les Sherlock Holmes en herbes qui ne peuvent se résoudre à ne jamais savoir la vérité.
Je vais, à chaque fois que je ne saurais pas quoi écrire, essayer d'approndir les differents aspects de cette énigme, à défaut de mettre la main sur un coupable, au moins vais-je essayer de constituer une base de données suffisante pour quiconque essaiera à l'avenir de se renseigner sur ce cas.