Les Survivants de l'infini

Publié le par Antohn

    Le film dont je vais vous parler cette semaine me tient particulièrement à coeur. Il y a de cela bien des années, alors que je n'avais que huit ans, une chaîne de television (arte, je crois) eut l'excellente idée de programmer ce film.  Nous étions en août et, vu qu'il n'y avait rien d'autre à la télé, on me laissa le regarder avec l'avertissement habituel: "si tu fais des cauchemars, il ne faudra pas venir te plaindre".
    A cette époque j'étais cantonné aux dessins-animés (et encore pas tous) et j'étais persuadé que tout film avec des acteurs en chair et en os était reservé aux adultes. Et puis un jour, on m'autorisa à regarder "Ben-Hur" et là ce fut le choc, ce jour-là, je compris deux choses, la première était que je pouvais voir autre choses que des dessins-animés, la seconde était que le cinéma ne devais pas être considéré comme un divertissement mais comme un art. Et dire qu'au début je n'avais voulu voir ce film qu'à cause de son titre: "Les survivants de l'infini".
Affiche survivants infini

    Pendant des années, le grand drame de ma vie fut de ne pas pouvoir revoir ce film, dont le souvenir s'estompait petit à petit dans ma mémoire. Pour des raisons que j'ignore, je pensais que ce film était un film mexicain (?) intitulé 'Les survivants du futur". Autant vous dire que j'eus du mal à le retrouver; puis, un jour, en traînant à la Fnac, avec en poche une trentaine d'euros à dépenser, je tomba nez à jaquette avec le DVD  d'un film de science-fiction de 1954, intitulé "Les survivants de l'infini"; "...de l'infini"... "...du futur"... me serais-je fourvoyé depuis toutes ces années?  Bon les deux héros ne me disaient rien: Rex Reason et Faith Domergue étant deux acteurs interchangeables, ce qui me disait quelque-chose, par contre, c'est le charmant gentleman à l'arrière plan. Une paire de pinces, deux gros yeux globuleux et un cerveau proéminent... les coincidences étaient bien trop troublantes. Je mis la main sur ce film et retomba dans mes souvenirs d'enfance.
    Chacun sa madeleine de Proust, la mienne avait la forme d'un DVD, c'est beaucoup moins digeste mais beaucoup plus divertissant.

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    "Les survivants de l'infini" passe pour être le meilleur film de science-fiction des années cinquante, à égalité, à mon avis, avec "Le jour où la Terre s'arrêta"  (l'original). Sorti en France en octobre 1955, il impressionna le public, notamment grâce à des effets spéciaux et des décors d'une qualité rarement égalée pour un film de science-fiction. L'affiche proclame qu'il a fallu deux ans et demi pour faire ce film, ce qui est possible vu le soin qui y a été apporté: dans les années cinquante, bien des producteurs estimaient qu'un film de science-fiction ne devait être qu'un film à très petit budget avec des soucoupes volantes et/ou un monstre histoire  d'amuser/effrayer les enfants, l'exemple de "Robot Monster" est particulièrement représentatif de cette idée.

vlcsnap-2010-03-14-14h05m43s137Rex Reason, un acteur d'origine allemande, s'engagea dans l'armée américaine après que ses parents aient émigré aux Etats-Unis quand il était enfant. Doté d'un physique avantageux, il finit par faire du cinéma où son expérience militaire fut utile parfois, notamment dans les films de science-fiction.

    Le scénario, lui aussi, se démarque légèrement des scénarii de SF traditionnels. Tout commence sur une base aérienne, le professeur Cal Meacham (Rex Reason) embarque dans son avion de chasse afin de se rendre à une conférence internationale sur l'energie atomique. En cours de route, il est victime d'avaries jusqu'au moment où, sans qu'il puisse se l'expliquer, une force inconnue prends possession de son avion qui se pose en douceur. Le professeur Meacham n'est pas au bout de ses surprises puisqu'un mystérieux livreur lui apporte dans son laboratoire, une machine en kit, l'interroceteur, accompagné d'une notice d'utilisation imprimée sur un papier à la texture étrange. Une fois assemblée, cette machine se revèle être une sorte de television triangulaire sur laquelle apparait le visage d'un homme étrange, se présentant au professeur sous le nom d'Exeter. 
    Celui-ci lui explique qu'il cherche à réunir les plus grands savants du Monde et que le fait que lui et son équipe aient réussi à construire l'interroceteur, prouve qu'il fait partie de ces savants-là.

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    Le professeur Meacham est donc convié à embarquer dans un avion, avion où il retrouve Ruth Adams (Faith Domergue), scientifique de renom elle-aussi et accessoirement ancien amour de jeunesse. L'avion, dépourvu de fenêtre et de pilote, les emmène jusqu'en Georgie où les attendent Exeter et toute une brochette de scientifiques, tous affairés à rechercher une nouvelle source d'energie.
    Assez vite, Exeter suscite des interrogations: non seulement il a une dégaine assez étrange mais en plus ses intentions sont d'un pacifisme douteux. Les scientifiques se rendent rapidement compte qu'ils sont bel et bien prisonniers d'Exeter et, lors d'une tentative d'évasion, l'un d'eux est même tué par cet hôte inquiétant.

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Faith Domergue (prononcez "Damure"), signa son premier contrat d'actrice en 1941, alors qu'elle n'avait que quinze ans. Elle participait à une fête sur l'un des yacht d'Howard Hughes qui la repéra et lui confia un rôle dans la comédie musicale "Blues in the Night". Souvent présentée comme la nouvelle Jane Russel, elle pris sa retraite en 1974, à soixante ans, après avoir travaillé au cinéma, à la télévision mais jamais au théâtre ce qu'elle avoua avoir regretté.

    C'est alors que nos héros découvrent la vérité: Exeter n'est pas un homme mais un extraterrestre venu de la planète Metaluna et il n'a réuni ces scientifiques que pour trouver un moyen de permettre à Metaluna d'élaborer une nouvelle arme qui les aideraient à remporter leur guerre contre la planète Zagon. Son secret découvert, Exeter fait sauter sa maison, seuls survivent les professeurs Meacham et Adams qui sont embarqués, en soucoupe volante, vers Metaluna. Arrivés sur place, ils découvrent une planète ravagée par la guerre et au bord de l'explosion, visiblement ils arrivent trop tard, ce qu'avaient prévu les Metaluniens qui enclenchent alors le plan B: quitter Metaluna et coloniser la Terre.

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    C'est là qu'intervient celui grâce à qui j'ai pu revir ce film: le mutant. A l'époque Universal, qui produisait le film, était surtout connue pour produire des films avec des monstres: "Dracula", "Frankenstein", "Le Loup-Garou"; "La Momie", "La créature du lac noir", "Le Fantôme de l'opéra", tout autant de classiques qui avaient fait la renommée de la maison de production, à tel point que pour certains "Universal" signifiait forcément "monstre", surtout quand il s'agissait d'un film de science-fiction.
    C'est pour cela que la production a imposé dans ce film la présence d'un mutant, il devait y en avoir deux au départ mais, le temps faisant défaut au costumier, une seule de ces créatures vis le jour, et encore, seul le haut du costume fut jugé crédible, ce qui explique le fait que l'acteur incarnant le monstre se contente de porter un pantalon tout ce qu'il y a de plus conventionnel.

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    L'arrivée impromptue de ce mutant explique le fait qu'il ne soit pas une pièce maîtresse du scénario et qu'il n'apparaisse en tout et pour tout que quelques minutes, le temps d'enlever Faith Domergue et de se faire zigouiller. Ormis cela, il arrive comme un cheveu sur la soupe et s'en va de la même manière. A noter que les scènes tournées sur Metaluna ont posé pas mal de soucis à l'équipe du film: outre la production qui impose des bêbêtes au dernier moment, il semble qu'Universal fut peu satisfaite de certaines scènes tournées par Joseph Newmann demandèrent au réalisateur Jack Arnold (le réalisateur de "L'étrange créature du lac noir") de retourner les scènes de Metaluna.

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    "Les survivants de l'infini" furent un succès à la hauteur des moyens employés: projeté seul ou en double-programmation avec "Planète Interdite", une autre reférence en matière de SF de cette époque (je l'ai sous la main, d'ailleurs, un de ces quatre matins je vous en parlerais), il rapporta sufisamment à Universal pour qu'une suite soit envisagée, elle devait s'appeler "Aliens in the sky" ("Des extraterrestres dans le ciel")  mais le projet fut abandonné assez vite: le directeur d'Universal, Edward Muhl, estima que ce film, qui devais être tourné en en cinemascope et en technicolor coûterais beaucoup trop cher pour un film de SF, un genre qui, selon lui, devait se cantonner à la série B. Cela n'empêcha pas à Universal de ressortir ce film en 1964, en version re-colorisée.

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    Conservant pendant longtemps le statut de "réference" en matière de SF, "Les survivants de l'infini" fut une source d'inspiration pour bien des cinéastes: le mutant, notamment, a profondément marqué l'imaginaire des spectateurs, dont celui d'un certain Tim Burton qui se servit du mutant comme source d'inspiration pour les extraterrestres de "Mars Attacks".

Si vous aimez la SF, "Les Survivants de l'infini" est LE film à poséder dans sa dvdthèque, idem si vous n'aimez pas la SF, ou que vous voulez vous y mettre.

Fiche technique:
Titre original: This Island Earth
Réalisateur: Joseph Newman (Jack Arnold pour les scènes de Metaluna)
Année: 1955
Durée: 1h22
Pays: Etats-Unis
Genre: Mutant en emporte le vent

Publié dans Cinéma

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