Le justicier contre la reine des crocodiles

Publié le par Antohn

J'ignore si l'été y est pour quelque chose mais j'ai comme des envies d'exotismes ces derniers temps. Et au lieu de manger des nems de pas enquiquiner le monde comme le ferait tout mâle occidental normalement constitué, j'ai plutôt décidé de mettre à profit mes quelques jours de congé estival pour exhumer, dans ma vidéothèque, l'un de ces films venus de l'autre bout de la Terre et dont l'édition en version française reste parfois une énigme. Et l'heureuse victime est aujourd'hui un film indonésien, paraît-il inspiré d'une bande-dessinée des années 80, "Golok Setan" ("L'épée diabolique" ou quelque chose comme ça), sorti en France sous le titre "Le Justicier contre la reine des crocodiles".

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La jaquette de la VHS française.


La genèse du film, du fait de son exotisme, est assez obscure: visiblement il s'agirait de l'adaptation d'un comic book indonésien, "Mandala" (ou "Man Dialah"), comic book qui connut également une adaptation en série télévisée. Le héros de ces histoires, Mandala, y parcourt l'Indonésie à une période indéfinie pour y rétablir la justice et affronter divers monstres, magiciens ou guerriers. En gros il faut s'imaginer un mélange entre "Conan le Barbare" et "Lucky Luke"... mais en Indonésie.

 

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Planche extraite du comic "Man Dialah mansyur daman" (source: Lambiek.net)

 

Il a pour nemesis un certain Banyurjaga, un guerrier pour qui la justice se trouve du coté qui sert le mieux ses intérêts et qui, sans que ce soit d'une utilité folle ici, était un ancien ami de Mandala. Ce Banyurjaga, donc, sert d'homme de main à la reine des crocodiles, une sorte de sorcière qui terrorise les habitants d'une paisible contrée. Son jeu favori consiste à enlever des paysans avant leurs noces avant de les hypnotiser pour lui servir d'esclaves dévoués, accomplissant des tâches X ou Y. Plus souvent X que Y, d'ailleurs puisque ceux-ci lui servent d'esclaves sexuels.

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Mandala, joué par Barry Prima, acteur néérlando-indonésien présenté souvent comme l'une des plus grandes stars du  cinéma d'action indonésien des années 80. Il connut notamment le succès en jouant dans plusieurs films le rôle de Jaka Sembung, personnage venant, lui aussi, d'une bande déssinée indonésienne.

 

En plus d'être dépravée et court vetue, le reine des crocodiles est également ambitieuse. Il se trouve qu'à proximité se trouve une grotte mystérieuse, tellement mystérieuse que personne n'en connaît l'emplacement exact. Dans cette grotte, se trouve une épée magique, forgée à partir d'une pierre tombée du ciel. La légende raconte que cette épée aurait la toute petite particularité de rendre invincible quiconque la posséderait (et il paraîtrait qu'elle permet aussi de réussir une mayonnaise mais ça reste à vérifier).

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A noter que cette épée serait inspirée des kriss, des poignards malais à la lame ondulée, qui, jusqu'à récemment, étaient fabriqués dans un alliage d'acier et de fer météoritique. Il s'agissait de l'arme préférée des pirates sévissant dans l'Océan indien, ce poignard étant solide, facile à manier et causant, en raison de sa lame, des blessures terribles.

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Bayurjaga, tirant des lasers (?), dessinés à même la pellicule, comme il se doit.

 

C'est dans ce contexte qu'arrive Mandala, juste au moment ou Banyurjaga s'apprête à enlever un homme, le jour de ses noces, pour aller servir de canard vibrant à la reine des crocodiles. Alors que la jeune mariée se défend bec et ongles (oui, "la", "le" marié n'intervenant qu'à peine), Mandala intervient, tel le héros qu'il est, mais ne peut rien faire lorsque Banyurjaga invoque les hommes crocodile de la reine, hommes crocodiles qui, d'un point de vue esthétique, sont assez... intéressants.

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""Intéressants" ca veut dire "ridicule" ? Hein !?

-Tais-toi et grogne !"

 

Je m'aperçois que j'avais omis un détail: bien que datant de 1984, ce film souffre d'effets spéciaux digne des péplums italiens des années 60 (et ce n'est pas peu dire qu'il y en a des effets spéciaux). Reconnaissons toutefois une chose: compte-tenu de l'évident manque de moyen du film, ces effets spéciaux auraient pu être pire. Cela ne les empêche pas d'être sacrément kitsch, en témoignent, donc, les hommes crocodiles, joués par des figurants tentant tant bien que mal de paraître effrayants.

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Lorsque je sous entend que Mandala intervient par hasard, je m'éloigne un peu de la vérité: il se trouve que son vieux maître vit à proximité et qu'il passait dans le coin pour lui faire un petit coucou. Par un heureux hasard, ce vieux maître est le seul à connaître l'emplacement de la grotte où se trouve l'épée magique... enfin "était" puisqu'au moment où Mandala revient le voir c'est pour le trouver en piteux état. Quatreguerriers (dont une sorcière et Banyurjaga) l'ont attaqué et lui arraché, en plus de quelques dents, le secret de l'emplacement de la grotte. N'écoutant que son courage et sa fidélité en son maître, Mandala se lance alors à la poursuite de ces malandrins, non sans avoir pratiqué une amputation à vif sur son maître, ajoutant un peu de gore à un film qui, soit dit en passant, n'en manque pas à la base.

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Par chance, bien que les méchants aient de l'avance sur lui, ceux-ci vont être victimes de leur cupidité, chacun voulant évidemment l'épée pour lui tout seul. Aussi, devant la caverne, chacun décide de trahir les trois autres, ce qui finit évidemment en bain de sang, réhaussé par les effets spéciaux préhistoriques dont je vous ai parlé plus haut et un doublage d'époque:

 

 

Si Bayurjaga l'emporte, il n'entre toutefois pas dans la grotte, préferant tendre une ambuscade à Mandala, histoire de le laisser prendre des risques et l'épée, avant de la lui piquer en ressortant. Bien mal lui en prend d'ailleurs parce qu'il rate deux trois choses dans cette grotte: si je vous disais que les hommes crocodiles étaient moches, ce n'est rien comparé au cyclope qui garde cette épée, Pour vous donner une idée, imaginez un tas de boue rosatre à laquelle on aurait collé une ampoule de spot sur la tête et à l'intérieur duquel un figurant tenterait tant bien que mal de se tenir debout en poussant des grognements.

Oh et puis non, n'imaginez pas, contemplez:

 

En définitve, que dire du "Justicier contre la Reine des crocodiles" ? Vous l'aurez compris, si c'est indiscutablement un bel exemple de nanar, ce n'est pas le nanar du siècle, ce n'est même pas le plus gros nanar indonésien, cette couronne étant portée avec fierté par "La revanche de Samson" dont l'absence sur ce blog est une injustice d'une ampleur peu commune (EDIT : injustice réparée), croyez moi. Tourné pourtant avec une équipe un casting connaissant globalement son métier, il tombe dans le kitsch principalement à cause d'un budget famélique et d'un scénario complètement manichéen, réussissant le tour de force d'être à la fois simpliste et complexe. Le clou est enfoncé par un bestiaire dont chaque représentant peut ambitionner à une place de choix au panthéon des craignos monsters.

 

 

Fiche technique:

Titre original : Golok Setan

Pays: Indonésie

Année: 1984

Durée: 1h27

Genre: Sacs à main d'importation

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