La Bataille des Thermopyles
«Passant, va dire à Sparte que nous gisons ici pour obéir à ses lois»
(Inscription lisible sur le monument commémoratif de la bataille des Thermopyles)
Plus qu'un simple paragraphe dans nos cahiers d'Histoire de 6e, les Guerres Médiques sont, pour les Grecs, l'équivalent de ce que serait pour un français la Guerre des Gaules, à savoir un épisode fondateur de l'Histoire nationale, de l'union entre des peuples qui se chamaillaient mais qui se sont unis pour affronter un ennemi commun et sont, à ce moment-là, devenus une nation. C'est à ce moment-là, par exemple, qu'un Athénien s'est mis à se définir comme Grec tout autant que comme Athénien.
De la même manière que les historiens français du XIXe siècle glorifiaient Vercingetorix et sa résistance face à l'oppression romaine (à une époque où l'Allemagne et la France entretenaient des relations pour le moins tendues, et où,, en 1870, cette dernière avait vaincu la France et ravi l'Alsace-Lorraine), les Guerres médiques ont été pour les Grecs ce moment de fierté nationale où des hommes divisés se sont unis pour défendre leur culture et leur civilisation. Notons que ce thème fut également utilisé avec les conséquences que vous imaginez, durant la dictature des colonels, de la même manière que Mussolini en Italie vantait l'héritage romain.
L'affiche polonaise, toute en sobritété.
La première guerre médique (490 avant J.C.) s'était terminée par la bataille de Marathon, où les Athéniens avaient entraîné les soldats de Darius Ier dans une plaine marécageuse où ces derniers s'étaient embourbés. La déroute Perse fut totale et Darius Ier dut battre en retraite. Cet épisode donna, lui-aussi, lieu à quelques films (dont « Le géant de Marathon » avec Steeve Reeves).
De retour en Perse, Darius met immédiatement sur pied une seconde expédition qui ne peut aboutir: une révolte éclate en Egypte et le souverain de l'empire achéménide passe les dernières années de sa vie à la mater. Quant son fils, Xerxès, lui succède, l'empire Perse englobe toute l'Asie Mineure, une partie de l'Afrique et s'étend à l'Est jusqu'en Inde, ce qui lui permet de réunir une formidable armée. Les sources anciennes (Hérodote) parlent de 500 000 marins, 2 millions de fantassins et 80 000 cavaliers. En réalité cette armée devait être moins grande: pour avoir fait quelques études d'Histoire ancienne, je peux vous garantir qu'une armée ne dépassait que rarement 50 000 hommes, pour de simples raisons de logistique (allez diriger un million d'hommes en pleine bataille à une époque où le talkie-walkie n'existait pas).
Certains historiens avancent le chiffre de 80 000 hommes, ce qui est à la fois possible (vu l'étendue de l'empire perse) et énorme pour l'époque.
Xerxès, joué par l'acteur britannique David Farrar dont ce fut le dernier rôle (il n'est pas mort juste après, il a simplement pris sa retraite)
Après la défaite de Marathon, Xerxès devait prouver à ses sujets qu'il n'existait personne en mesure de lui tenir tête: la déroute de son père avait prouvé que les Perses n'étaient pas invincibles, ce qui avait en traîné quelques révoltes (dont une en Egypte dont je vous ais parlé plus haut). D'où l'intérêt de mater les Grecs une bonne fois pour toute.
La seconde guerre médique se termina par une victoire des Grecs lors de la bataille de Salamine, mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la bataille décisive eut lieu au début de la guerre, avec la défaite des troupes menées par Leonidas, dans le défilé des Thermopyles.
Attention, ce que le narrateur nous présente comme étant le monument commémorant la bataille des Thermopyles est en réalité la tombe du soldat inconnu grec.
Si d'aventure le destin vous mène aux Thermopyles (et il pourrait, ce site étant à deux pas d'une station thermale) vous comprendrez assez rapidement l'intérêt stratégique de ce lieu. Coincé entre une barre rocheuse et un bras de mer, ce défilé a été le théâtre de pas moins de six batailles dont la dernière eut lieu durant la Seconde Guerre Mondiale. De nos jours, l'érosion ayant fait son travail depuis près de 2500 ans, on ne se rends que difficilement compte de ce qu'étaient les Thermopyles. Selon Herodote (qui est une source relativement fiable: il était déjà né au moment de cette bataille), les Thermopyles ne faisaient que quinze mètres de large à son embouchure et n'était, par endroit, qu'à peine suffisamment large pour laisser passer une charrette. Une armée s'engouffrant dans ce défilé devait donc s'étirer et son nombre ne comptait plus. Ce à cette conclusion qu'est venu Leonidas et la légende dis que ce n'est qu'avec trois-cent hommes qu'il parvint à tenir tête à Xerxès avant d'être trahi par un fourbe qui indiqua aux Perses un moyen de contourner le défilé et de prendre les Spartiates à revers. En réalité, les Grecs n'étaient pas trois-cent mais sept-mille soldats dont la garde personnelle de Leonidas, composée de trois-cent hommes qui lui étaient entièrement dévoués. Ce n'est qu'au bout de quelques jours que les Grecs battirent en retraite et allèrent chercher du renfort, seuls Leonidas et sa garde restèrent sur place afin de ralentir l'armée Perse. Entraînés dès leur plus jeune âge à se battre comme des lions et à mépriser la mort, les Spartiates livrèrent une résistance acharnée à leurs adversaires, ne cédant qu'au bout de longues heures de combat.
Comme dans tout bon péplum, nous avons droit à l'histoire d'amour syndicale, ici entre deux jeunes spartiates partis ensemble rejoindre les troupes de Leonidas.
En réalité ils n'étaient pas trois-cent mais quelques milliers: des Grecs alliés à Sparte auxquels s'ajoutèrent les trois-cent hommes de Leonidas. Bénéficiant de l'avantage topographique, ces Grecs résistèrent à Xerxès avant de se replier, Léonidas et ses hommes, n'écoutant que leur courage (et obéissant à la règle voulant qu'un Spartiate ne rentrait pas chez lui s'il était vaincu), sont restés, de manière à ralentir l'avancée Perse et à infliger des pertes considérables dans les rangs de l'armée de Xerxès: bien que très inférieurs en nombre, les Spartiates étaient des soldats professionnels à l'inverse de bien des soldats Perses.
Le lambda sur les boucliers Spartiates n'est pas une lubie du réalisateur, cette lettre signifiait
"Λακεδεμοι" (Lacedemone), l'autre nom de Sparte.
Comme bien des péplums de l'époque, celui-ci alterne vraisemblance historique et fantaisies pures et simples. D'un côté, nous avons une équipe de tournage qui a lu Herodote et s'est entourée de conseillers historiques, de l'autre nous avons des uniformes pour le moins anachroniques: la garde personnelle de Xerxes, les Immortels, est habillée comme des archers Scythes quant aux Spartiates, si l'on peut passer sur le fait qu'ils portent une cuirasse d'un modèle qui n'était plus très porté au Ve siècle avant JC (après tout les Spartiates sont des conservateurs), on ne pourra pas passer sur le fait que certains, Leonidas en tête, arborent de magnifiques casques... d'inspiration romaine.
Les originaux (cliché: Musée du Louvres)
Les copies
Les casques "romains" en question, dont l'utilité est avant tout de permettre de reconnaitre les acteurs.
Certains reprocherons un certain manichéisme dans ce film: les gentils Spartiates affrontant le cruel Xerxès dépeint comme un tyran sanguinaire, ce qu'il était peut-être, Herodote le décrivant comme un homme « impulsif » (ce qui est une façon polie de dire qu'il était probablement con comme un balai sans manche) et assoiffé de pouvoir. Bien que cette information vienne d'un Grec, elle n'est peut-être pas totalement erronée, vu les âneries commises par les Perses durant cette guerre (Xerxès qui fait installer son trône lors de la bataille de Salamine, pour contempler la victoire de sa flotte si ce n'est pas une démonstration d'arrogance, je ne m'y connais plus. D'autant plus que, si vous avez suivi, les Perses ont perdu la bataille de Salamine).
De l'autre côté, l'insistance des Grecs sur la sauvegarde de leur culture n'est pas un élément rajouté à l'époque moderne mu par de quelconques préjugés racistes: s'il y a bien une chose à laquelle les Grecs tenaient tous c'est bien à leur culture, qui, à leurs yeux, était ce qui les différenciait des barbares.
Themistocles l'Athénien prédisant la bataille de Salamine... que voulez-vous nous sommes dans un film historique.
Péplum on-ne-peut-plus classique (d'autant plus classique que la même bataille donna lieu il y a quelques années à l'un des péplums les plus atypiques qu'il m'ait été donné de voir (et pas forcément un des plus mauvais)), « La bataille des Thermpyles » est de ces films en costumes tournés à la chaîne dans les années soixante, avec des décors en carton-pâte et des figurants qui jouaient dix rôles à la fois. Disons que c'est le genre de films qui passent pendant les jours fériés à la télévision où que les professeurs d'Histoire passent à leurs élèves de sixièmes le vendredi des vacances, en sachant parfaitement par expérience (de prof comme d'élève), qu'il sera impossible de les faire travailler ce jour-là.
Le fourbe de service qui, non content d'avoir une âme aussi noire que les tenèbres, doit dégager un subtil parfum de poils de chèvre.
« La bataille des Thermopyles » est de la chair à vendredi-d'avant-les-vacances, un film vite vu, vite oublié, n'ayant rien contre lui mais n'ayant pas grand-chose non plus pour lui, bien réalisé, bien joué mais sans génie, bénéficiant d'un bon scénario et d'un budget correct. En gros un film sympa à qui il manque peu pour devenir un très bon film et qui vaut surtout pour son thème, la Bataille des Thermopyles ayant été assez peu adaptée à l'écran.
Fiche technique:
Titre original: The 300 Spartans
Année: 1962
Réalisateur: Rudolf Maté
Pays: Etats-Unis/Grèce
Durée: 1h 50
Genre: Immortels contre immortels.