François 1er

Publié le par Antohn

 

"Fernandel possède le don de faire rire

des êtres qui ont tant de raisons de pleurer"

Marcel Pagnol

 

Lorsque l'on demande à quelqu'un quel objet il emporterait s'il venait à être transporté d'un coup en 1535, la réponse qui revient le plus souvent est « qu'est-ce que ca peux bien faire? ». Cette réponse, vous vous en conviendrez, dénote d'un manque profond de prévoyance: si d'aventure vous vous trouvez dans cette situation, il faudra bien vous décider à emporter un objet qui vous permettra de survivre là-bas. Le choix n'est pas simple, j'en conviens. Heureusement que le cinéma est là pour nous sortir de ce genre de dilemmes.

 

Affiche

Cette affiche là n'est pas l'originale de 1937. Il s'agit d'une affiche plus ancienne, correspondant probablement à une ressortie du film dans les années 60, d'où la référence au film "La Vache et le Prisonnier" (1959) dans l'accroche.

(source: moviecovers.com)

 

« François Ier » fut le plus grand succès du duo formé par Fernandel et par Christian-Jacque, qui tournèrent ensemble une demi-douzaine de films, dont « Un de la légion » et « Raphaël le tatoué » qui ne passèrent pas non plus inaperçus. Dieu sait pourtant que Fernandel a tourné dans presque autant de navets que de bons films: depuis 1930, c'était une immense star, un acteur comique comme on avait alors rarement vu et faire un film avec lui était, pour un producteur, l'assurance de faire un film qui attirerait du monde.

 

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Je pense qu'il serait inutile de vous présenter Fernandel, Fernand Contandin de son vrai nom, né à Marseille le 8 mai 1903 et fils de Denis Contandin, comptable, mais aussi chanteur et comédien sous le pseudonyme de « Sined » (pseudonyme dont s'inspira son fils cadet, Francis Contandin, qui devint acteur sous le nom de « Fransined »). Dès l'âge de cinq ans, son père le fait monter sur scène, il y est d'abord mort de trac mais un jour, en faisant son entrée, il trébuche et provoque l'hilarité de la foule; ce qui aurait achevé un autre acteur est pour lui le début d'une vocation comique.

La légende dit que, après être sorti de l'école, son père lui trouva une place comme employé de banque mais qu'il dut en partir car aucun client ne parvenait à garder son sérieux devant lui. Il fit quelques petits boulots puis monta à Paris où il remporta un succès rapide, lui ouvrant les portes des studios de cinéma.

 

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Contrairement à ce que l'on entend souvent, le nom de scène « Fernandel » ne vient pas du surnom que lui donnait sa belle-mère devant l'amour qu'il portait à sa fille et l'aurait appelé « Le Fernand d'Elle ». Il semble en réalité que le suffixe « -el » en provençal soit un diminutif et « Fernandel » devait signifier « Le petit Fernand », probablement son surnom quand il était enfant.

Débutant sous la direction de Sacha Guitry, il eut ses premiers grands rôles, donc, aux côtés de Christian-Jacque puis de Marcel Pagnol avec qui il tourna des chefs-d'oeuvres comme « Le Schpountz » et « Topaze ».

 

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Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il est mobilisé puis, après la Débâcle, renvoyé à la vie civile. Il en profite pour passer derrière la caméra, sans succès, et suit une sorte de traversée du désert dont il ne sorti qu'en 1951 où il incarnât le personnage de Don Camillo, « le plus célèbre des curés après le Pape » selon le mot de Pie XII. Il tint ce rôle jusqu'en 1970 où, atteint d'un cancer du poumon qui allait, indirectement, l'emporter il est contraint de cesser le tournage de « Don Camillo et les contestataires ». De la même manière que Bourvil avait tenu à ce que son dernier film (« Le Cercle Rouge » d'Henri Verneuil) le présente dans un rôle à contre-emploi, le dernier rôle de Fernandel fut dans « Heureux qui comme Ulysse » d'Henri Colpi, où il jouait le rôle d'Antonin, un palfrenier, qui sauve un vieux cheval, Ulysse, destiné à servir de chair à taureau dans les arènes, en l'emmenant dans le parc national de Camargue. Excellent film, soit dit, au demeurant.

 

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Là, dans le cas qui nous occupe, le ton est bien plus léger.

Tout commence dans un chapiteau, où se produit depuis dès années la troupe de Rafaelo Cascaroni, troupe essentiellement composée de sa famille et d'Honorin, une sorte d'homme à tout faire un peu benêt. Le soir de la représentation d'une opérette « François Ier ou les amours de la Belle Ferronière », c'est la catastrophe: Luigi Cascaroni, interprète principal (et accessoirement fils du patron), est victime d'une rage de dents qui l'empêche de chanter. Faute de grives on mange des merles, Honorin est instamment prié de le remplacer au pied levé, opportunité que ce dernier guettait depuis quatre ans.

 

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Oui mais voilà, Honorin a un peu de mal à entrer dans le personnage et à se souvenir des paroles des chansons: en gros, il est mauvais, ce qui est loin de ravir les Cascaroni. Heureusement pour lui, il est ami avec un certain Cagliostro, une sorte de magicien prétendant avoir deux-cent ans, un homme qui, entre autres qualités, a une fille, Elsa, dont notre grand dadais de héros est secrètement amoureux. Cagliostro lui propose de l'aider d'une façon assez insolite: l'envoyer, par quelque tour de passe-passe, au XVIe siècle, à Amboise.

 

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Là commence le début des quiproquos: balancé devant une auberge en costume renaissance, Honorin a pourtant un peu de mal à comprendre que Cagliostro ne s'est pas moqué de lui et qu'il est bien à l'époque de François Ier. Par chance, malgré son étrange façon de parler et de commander des boissons qui n'existent pas encore, l'aubergiste (sosie parfait de Cascaroni) le prends en sympathie et l'envoie même à la table de la nourrice de Madeleine Ferron, la Belle Ferronière, qui, justement, cherche un pig... un noble chevalier pour accomplir une tâche de la plus haute importance. Il se trouve que Jean Ferron, le mari de la Belle Ferronière a surpris une ombre sortant de la chambre de sa femme . L'ombre appartenait à François Ier, tout le monde s'en doute, mais, comme tout bon cocu qui se respecte, il est le dernier au courant.

 

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Sa femme a réussi à lui faire gober que celui qu'elle avait vu sortir de sa chambre n'était que son frère, qui revenait des Amériques. Méfiant, on le saurait à moins, il demande à le voir ce frère et voici qu'Honorin est prié de se transformer immédiatement en Honorin des Meldeuses, frère de la Belle Ferronière, grâce à quoi il est admis à la cour de François Ier. Se distinguant après avoir emporté, à sa manière, un Jugement de Dieu qui avait bêtement dégénéré en combat de catch (un sport très à la mode en 1937), il se taille une sacrée réputation de boute-en-train en apprenant à la cour du bon roi François quelques pratiques du XXe siècle telle que le fox-trot ou la belote.

 

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Il se distingue également grâce à son Larousse. Et oui, endurant lecteur, la réponse est là: si tu dois voyager dans le temps embarque un Larousse, il ne te sert pas à assommer des tyrannosaures il te servira au moins à briller en société en prédisant l'avenir si tu as la chance d'arriver à une époque correcte. Le passé d'Honorin devenant le futur de ses nouveaux contemporains, ses connaissances comblant leur ignorance, il devient donc une espèce de mage auprès duquel se pressent les grands pour savoir tout et n'importe-quoi.

 

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Évidemment, la ficelle est énorme et il faut bien regarder ce film comme une farce se déroulant dans une Renaissance de carton-pâte. Tenez, nous sommes dans un château et donc qui dit « château » dit « fantôme », prétexte à une autre scène voyant Honorin se sortir d'un mauvais pas grâce à la technologie moderne.

 

 

 

 

Ce qui rendit avant tout le film célèbre c'est la scène des tortures. Si un type au langage et aux habitudes étranges se baladant avec un bouquin qui prédit l'avenir n'est pas un sorcier, aux yeux de beaucoup c'est plutôt bien imité. C'est en tout cas ce que pensent quelques inquisteurs et Jean Ferron, bien décidés à lui arracher ses secrets pour les premiers et ses tripes pour le second. Là non plus, ne vous attendez pas à une scène réaliste, la torture la plus terrible qu'ait le tourmenteur en chef consistant à faire lécher les pieds de sa victime par une chèvre, passage maintes fois copié par la suite, y compris sur l'affiche du film.

Je rassure les âmes sensibles, Honorin est sauvé par un deus ex machina avant que le happy-end que tout le monde voyait venir ne survienne, laissant le spectateur rentrer chez lui heureux.

 

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« François 1er » n'est pas une comédie exceptionnelle. Certains sont assez durs avec ce film, le considérant comme un immonde navet. Pour ma part, j'ai vu bien pire mais à force de voir des merdouilles, il faut dire que je doit avoir les yeux en béton armé. Le principe de base est commun (un personnage propulsé subitement dans un univers qui n'est pas le sien) et, il faut bien le dire, la plupart des gags sont téléphonés et les jeux de mots vaseux. A défaut de s'être creusé les méninges, le scénariste a l'air de s'être amusé à écrire ce film.

Confiant dans le talent de Fernandel, il s'est contenté d'écrire « François 1er » en se disant que, de toutes manières, Fernandel ferait le reste et force est de constater que, malgré une distribution honorable, ce dernier crève absolument l'écran (il n'y a quasiment pas une scène sans lui).

 

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Vite écrit, vite tourné, et pour beaucoup, vite vu et vite oublié, « François 1er » est de ces comédies aux ressorts usés jusqu'à la corde qui agacera bien des spectateurs (depuis 1937, les goûts du public ont évolué). Il ne vaut plus aujourd'hui que pour les admirateurs de Fernandel ainsi que pour les professeurs d'Histoire pour qui c'est un excellent film à projeter à des élèves juste avant les vacances de Noël.

 

Fiche technique:


Titre alternatif: Les amours de la Belle Ferronière

Réalisateur: Christian-Jacque

Année: 1937

Pays: France

Durée: 1h 40

Genre: Léchouilles caprines et sourire equin

Publié dans Cinéma

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