Defense et trahison
Nous poursuivons, enfin, JE poursuis mon exploration de la saga « William Monk » d'Anne Perry avec le troisième volume, intitulé « Défense et trahison ». Sous ce titre, digne d'une mauvaise telenovela brésilienne se cache en réalité une roman à l'intrigue absolument captivante et bien plus optimiste que les épisodes précédents.
Tout commence bien évidemment par un meurtre, astucieusement déguisé en prix Darwin. Vous connaissez les prix Darwin, ils récompensent tous les ans les morts les plus idiotes et bien c'est ce qui vient d'arriver au général Thaddeus Carlyon. Alors qu'il passait la soiré chez des amis, il bascula par-dessus la rampe de l'escalier et vint s'empaler sur la hallebarde que tenait une armure décorative. Je vous avoue que cette mort a fait rire pas mal de monde: un militaire c'est fait pour mourir au combat sabre au clair pas pour se faire envoyer ad patres par un tas de ferraille médiéval. Tout ceci ne vaudrait pas un roman si l'on se rendait compte assez rapidement que cet accident était tout simplement impossible et que le général a été poussé du haut de la balustrade puis achevé à coup de hallebarde.
Ce coup-ci pas question d'accuser un domestique: aucun n'était là quand l'accident a eu lieu et aucun ne pouvait avoir le moindre bourgeon de mobile. C'est donc l'un des convives qui a fait le coup et le convive en question ne tarde pas à être découvert: il s'agit d'Alexandra Carlyon, la propre épouse du général. Il ne fut même pas la peine de déranger le moindre limier pour découvrir cela: c'est elle-même qui s'est rendue à la police en avouant avoir assassiné son mari qu'elle accusait d'entretenir des relations un peu trop poussées avec l'une des amies de la famille. Comme le dit la vox populi: « Si toutes les femmes trompées se mettaient à massacrer leur mari à coup de hallebarde, ce serait la fin du Monde civilisé ma bonne dame », et il est vrai que ce mobile paraît un peu léger, d'autant plus qu'aucun indice ne pouvait amener l'accusée à soupçonner la moindre relation adultérine, sur ce point là, le général Carlyon était irréprochable.
Quel est donc ce mobile, qu'est-ce qu'Alexandra Carlyon a bien pu découvrir de si terrible pour assassiner son mari avec une telle haine? Pourquoi préfère-t-elle mourir que d'avouer les véritables motivations de son acte?
C'est là qu'entre en scène William Monk. Vous vous en doutez si vous avez lu mes articles précédents (et vous les avez lus car vous êtes des gens de goût), que la police n'a pas poussé outre mesure ses investigations: ils ont un meurtre, une coupable et un mobile, aussi fantaisiste soit-il. Et puis le general Carlyon était un héros de guerre, depuis quand les héros peuvent avoir des défauts?
Dans cet épisode, Monk est employé par l'avocat d'Alexandra Carlyon, maître Rathbone (que nous avons déjà croisé auparavant). Notons qu'ici c'est davantage l'avocat que le détective qui fait office de personnage principal tant il es vrai que le mobile véritable est découvert assez rapidement, aux deux tiers du livre, le troisième tiers étant principalement occupé par une scène de procès absolument magistrale, menée avec suffisamment de talent pour vous tenir en haleine durant près de deux-cent pages. Je ne vais pas vous dévoiler l'intrigue outre-mesure, mais sachez que véritable mobile du meurtre est sans commune mesure avec une simple histoire d'adultère et là encore l'aveuglement de certains, leur volonté de ne pas vouloir bouleverser leur vie ennuyeuse mais ô combien paisible s'avère avoir été responsable de bien des vies brisées. A ce titre, le dernier chapitre, qui fait le parallèle entre Alexandra Carlyon et sa belle-mère est assez révélateur: confrontées aux mêmes difficultés, l'une a préféré fermer les yeux et l'autre a préféré agir; et celle que la vindicte populaire traite de meurtrière n'est pas forcément celle que l'on croit.
Paradoxalement, cet épisode est beaucoup plus optimiste que les autres, probablement parce qu'il s'agit avant tout d'un thriller judiciaire (j'ignore si ce terme existe, quoi qu'il en soit je m'excuse pour sa laideur) plus que d'une enquête policière, le thème est pourtant très dur mais la maestria (j'adore ce mot) d'Anne Perry lui permet de le traiter sans jamais tomber ni dans le voyeurisme malsain ni dans le pathos sirupeux, ce qui n'est pas si facile.
Reste à conclure sur une citation « Le héros n'est pas celui qui se précipite dans une belle mort; c'est celui qui se compose une belle vie. » (Jean Giono). Une fois que vous aurez lu ce livre vous comprendrez.