COOL AS ICE
« Yo! »
Vous qui vous vous gaussez des fans plantant leurs tentes devant les salles de concert deux jours avant que Tokio Hotel vienne y chanter, vous qui ne compreniez pas comment certaines de vos camarades de classes pouvaient engloutir leur argent de poche dans des vignettes à l'effigie des Spice Girls, ce film est fait pour vous. « Cool as Ice » devait être une ode à un artiste qui eut son moment de gloire entre 1989 et 1991, le rappeur Vanilla Ice, sorte de sous-Eminem édulcoré, auteur de tubes tels que « Play That Funky Music » ou encore « Ice Ice Baby » qui lui vaut encore de toucher quelques royalties. Cette même chanson lui valut également de gros ennuis, dans la mesure où il avait emprunté à Queen la musique d'« Under pressure », sans, bien sûr, demander la moindre autorisation. Aujourd'hui, il se serait reconverti dans le hard-rock lourdingue, je vous avoue ne pas encore avoir osé écouter cela. Quoi qu'il en soit, Vanilla Ice est aujourd'hui une étoile de plus dans la constellation des artistes qui ont fait deux tubes et son retombés dans l'oubli.
Au moment où sort ce film la carrière de Vanilla Ice (Robert Matthew Van Winkle de son vrai nom), est en plein trou d'air: non seulement Queen lui colle des procès mais on s'aperçoit également que celui qui se prétendait gamin des rues ayant bouffé de la vache enragée (de la vache aux hormones, la pire) est en fait un texan middle-class qui crache sur une société qui lui apporte trois repas par jour, ce qui au niveau crédibilité est quand-même assez moyen: c'est comme si on s'apercevait qu'Akhenaton venait de Maubeuge. « Cool As Ice » est donc le film sensé redorer son blason, LE blockbuster de l'automne. Outre Vanilla Ice (qui, au passage, toucha un million de dollars pour tourner là-dedans), la production s'adjuge également la présence de Naomi Campbell... la présence uniquement. Il faut savoir que Naomi Campbell, dont la carrière venait de débuter, n'apparait en tout et pour tout que cinq minutes, le temps de jouer les choristes en playback lors du générique d'ouverture. Quant à la réalisation... ben il y avait plus trop de sous après qu'on ait versé leur cachet à Vanilla Ice et à Naomi Campbell, donc ils sont allés chercher un certain David Kellogg, spécialisé dans les clips musicaux, auteur également de quelques vidéos pour le magasine « PlayBoy ». Il s'agit ici de son premier vrai long-métrage, il n'en a à ce jour, réalisé que deux, le second étant l'adaptation cinématographique de l'Inspecteur Gadget en 1999.
Profitez un peu de cette image, le reste risque de piquer les yeux.
Que dire du scénario si ce n'est qu'il est assez mince. Pour te résumer la situation, gros, c'est l'histoire de Vanilla Ice, tu vois, enfin dans le film ils l'appellent Johnny mais tu vois bien que c'est Vanilla. Vanilla Ice, c'est un rebelle, tu vois, il passe son temps avec ses trois copains blacks trop cool sur des motos trop classes, tu vois. Un jour il débarque dans un patelin de bouseux, ils sont tellement craignos que la première nana qu'il croise elle a même pas de meule mais un cheval, c'est te dire que c'est la zone. Vu que la nana est pas mal malgré le fait qu'elle soit encore à l'âge de pierre, Vanilla tente de la draguer comme font tous les mecs cools, tu vois: en la faisant tomber de cheval avec sa moto. Il y a des mecs pas cools qui te diraient qu'ils ont croisé des ouétavu au lycée qui draguaient avec plus de classe, mais ne les écoute pas parce qu'en fait la nana elle a totalement craqué quand elle a vu Vanilla vu comment il est cool.
D'ailleurs les péquenots n'en reviennent pas de voir quelqu'un d'aussi cool.
Vu que la moto d'un de ses potes est tombée en panne, Vanilla et ses trois potes sont obligés de s'arrêter dans le patelin un peu plus longtemps que prévu, coup de bol pour eux, ils tombent sur une baraque trop classe habitée par deux vieux garagistes un peu moins coincés que la plupart des autres qui passent leur temps à juger sans les connaître les rappeurs qui roulent trop vite et sans casque. Autre coup de bol, ils leur accordent l'hospitalité le temps de réparer la meule et chez eux c'est aussi classe à l'intérieur qu'à l'extérieur puis en plus leur maison est en face de celle de la jolie nana sur laquelle Vanilla a flashé.
Kathy (Kristin Minter), pour l'anecdote, c'est Gwyneth Paltrow qui devait tenir ce rôle avant de le refuser: son père était assez peu enclin à la voir tourner là-dedans. Il faut dire qu'il avait du lire le scénario, lui.
Le suspense est à son comble, Vanilla Ice va-t-il réussir à séduire la jeune première de service? Va-t- elle se rendre compte que sous ses dehors de biker sans foi ni loi c'est un brave garçon? Va-t-elle envoyer promener l'imbécile lourdingue qui lui sert de petit copain? Comme vous pouvez le constater, l'intrigue est des plus convenues, ceux qui ont vu "La fureur de vivre" auront une impression de déjà-vu parfaitement compréhensible dans la mesure où elle est parfaitement voulue. Lors de la sortie de ce film, Vanilla Ice avait même déclaré lors d'une interview qu'il était "le James Dean du Rap", ambition tout ce qu'il y a de plus louable mais relativement hors de portée de notre héros.
La maison du bon Samaritain version nineties.
Vous remarquerez que pour le moment je ne vous l'ai pas trop montré, ce cher Vanilla, il faut dire qu'il ressemble à ceci:
Inside the Actor Studio with Vanilla Ice.
Outre une légère ressemblance avec Bernard Campan (qui fait que le spectateur a souvent l'ompression de regarder une parodie des Inconnus), Vanilla Ice s'avère encore plus mauvais acteur que rappeur, ponctuant toutes ses apparitions d'oeillades bovines et de jeu monoexpressif qui font que l'on se retrouve à attendre avec impatience la moindre de ses apparitions, le summum étant atteint lors de scènes de drague absolument pathétiques. Ajoutons à cela un sens de l'esthétique assez relatif: nous sommes en 1991 et, à cette époque, la mode est aux couleurs flashy, aux blousons jaune ou orange fluo, aux coiffures improbables et le moins que l'on puisse dire c'est que la définition qu'ont Vanilla Ice et ses copains de la coolitude a très, très mal vieilli.
J'ai vérifié: rien, absolument rien, n'interdit de sortir avec des fringues pareils.
Notons que pour un jeune vagabond sans revenus, Vanilla Ice et ses copains roulent sur des motos en assez bon état (la femme du garagiste qui les recueille affirme même qu'une seul d'entre elles vaut plus cher que sa maison), idem pour leur garde-robe qui semble relativement fournie, d'autant plus qu'ils voyagent sans bagages. L'aspect matériel n'est, de toute façon, pas la principale préoccupation des scénaristes: Vanilla et ses copains semblant trouver tout ce qu'ils veulent quand ils le veulent. Leur moto tombe en panne? Pas de problèmes, il y a un garagiste cool qui les héberge! Ils cherchent un indice pour trouver où est enfermé un gamin? Ça tombe bien, ils ont justement un ordinateur super perfectionné qui leur permet de décortiquer les enregistrements audio! Une boîte de nuit a une ambiance minable? Quel heureux hasard, il se trouve justement qu'une platine de DJ se trouve dans un coin! Il ne reste plus qu'à improviser un rap qui va subjuguer les foules!
Paradoxalement, il y a assez peu de passages musicaux dans ce film, j'ignore si c'est une bonne ou une mauvaise chose, d'ailleurs.
Vous noterez la casquette encore pourvue de son étiquette, la classe, jusqu'au bout!
Destiné à relancer la carrière de son héros, « Cool as Ice » sera une catastrophe, autant à cause de son intrigue, complètement neuneu et prévisible que par le jeu d'acteur déplorable de l'acteur principal. Sorti au cinéma aux Etats-Unis, il quittera l'affiche avant que la colle soit sèche commel e dit l'expression et il sortira ailleurs en direct-to-video.
Il sera également l'un des films les plus nominés lors de la cérémonie 1992 des Razzie Awards (les anti-oscars) qui le nomineront dans sept catégories: « Plus mauvais scénario », « Plus mauvais film », « Plus mauvais générique », « Plus mauvaise révélation féminine », « Plus mauvais réalisateur », « Plus mauvais acteur » et « Pire révélation masculine », récompense que Vanilla Ice remportera, d'ailleurs. A noter, puisque nous en somme aux récompenses que le directeur de la photographie était un certain Janusz Kaminski, qui, deux ans plus tard, reçut un oscar pour « La liste de Schindler ». Si on m'avais dit un jour que je terminerai un article sur Vanilla Ice en parlant de la Liste de Schindler...
Allez, une dernière image pour la route.
Notez que je ne saurais que trop vous conseiller de regarder un bon film en noir et blanc après avoir ingurgité le kaleidoscope grandeur géant que constitue « Cool as Ice », à moins de tenir à perdre un dixième à chaque oeil. Tu aimes les fringues fluos? Tu aimes les coiffures improbables? Tu aimes les moto jaunes poussin? Tu aimes le rap de secondes zone? Tu aimes les histoires simplistes? Alors « Cool as Ice » est ton film!
Fiche technique:
Titre original: Cool as Ice
Réalisateur: David Kellogg
Pays: Etats-Unis
Duée: 1h31
Date de sortie: 1991
Genre: La fureur de vivre en jaune fluo.