Rome contre Rome
S'il vous arrive de regarder la télé ces derniers temps, vous êtes déjà tombé sur ces émissions de téléréalité américaines qui consistent à voir des gens faire tourner leur commerces. Parmi celles-ci, je suis un assez gros fan d'une série qui s'appelle « Pawn Stars » et qui raconte le quotidien d'une boutique de prêts-sur-gages à Las Vegas. La série n'est pas parfaite, bien sûr, mais il y est souvent question d'objets insolites sur lesquels il y a toujours un personnage capable de nous en apprendre long. Un jour, par exemple, un client arriva avec l'affiche d'un film des années 60 intitulé « War of the zombies ».
Je ne me souviens plus combien elle s'est vendue, je retins juste deux choses.
D'une, le film était sorti en France sous le titre « Rome contre Rome » (en passant par là, merci au traducteur qui ne s'est pas contenté de traduire « War of the zombies » et qui a pris la peine de retrouver son titre français). De deux : il s'agit d'un péplum... italien... avec des zombis ! Un truc pareil ne pouvait que finir ce blog un jour.
D'autres avaient déjà essayé de mélanger péplum et horreur. Nous penserons évidemment à « Hercule contre les vampires » de Mario Bava, même si le titre tient davantage à la présence de Christopher Lee au générique qu'à celle dans le film dans vampires « canoniques ». De même, les zombies ici ressemblent davantage aux zombies haïtiens qu'aux dévoreurs de chair humaine que l'on voit à longueur de séries ou de jeux vidéos ces derniers temps.
A cela une raison toute simple : nous sommes en 1964, « La nuit des morts-vivants » de Romero ne sortit qu'en 1968 et c'est ce film qui donna véritablement naissance au zombi moderne.
Les romains n'ayant jamais fichu les pieds en Haîti, l'action est transposée en Arménie. Pourquoi l'Arménie ? Tout d'abord parce qu'au niveau exotisme c'est chouette. Ensuite parce que dans l'Antiquité, l'Arménie était un lieu éminemment stratégique. Disons qu'énormément d'empires et de royaumes alentours auraient aimé mettre la main sur un pays montagneux, au carrefour entre l'Europe et l'Asie. Ça leur auraient permis d'y construire des forteresses difficilement prenables d'où ils pouvaient surveiller si les empaffés d'en face n'avaient pas des intentions désagréables, à base de visées expansionnistes et de trucs qui coupent.
Parallèlement à cela, il n'y avait pas que des montagnes en Arménie. Il y avait aussi des arméniens, des gens à qui la vie en montagne avait appris et l'habitude de se faire envahir avaient appris à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Enfin, vous pouviez mais c'était prendre le risque d'y laisser un orteil. En gros, à l'époque, quand l'Arménie n'était pas en guerre c'est que les arméniens se révoltaient contre leur occupant. L'intrigue de « Rome contre Rome » ayant pour origine le soulèvement d'un peuple contre l'occupant, le choix de l'Arménie était tout indiqué.
Ou alors c'est seulement un hasard et les scénaristes ont choisi l'Arménie juste parce que c'était loin, le film ayant, de toutes façons, été tourné dans la campagne romaine.
Le seul élément indiquant que nous sommes en Arménie est la raison pour laquelle le héros, le centurion Gaius y est envoyé : à savoir le vol du trésor du roi Tigrane par une troupe d'insurgés. Et encore, ce vol ne serait rien si les cadavres des soldats n'avaient pas été retrouvés atrocement mutilés et marqués d'un symbole étrange ressemblant à s'y méprendre à une tête de Buddha cyclope.
Cette tête, c'est celle de la Déesse d'Or, une divinité mystérieuse dont le grand prêtre, Aderbal, semble avoir pris la tête de la rébellion Arrêtons-nous, d'ailleurs, sur le personnage d'Aderbal pour souligner deux choses. Tout d'abord Aderbal est un nom... carthaginois et non arménien. Ensuite, ce personnage est joué, avec talent, par John Drew Barrymore, connu essentiellement aujourd'hui pour être le père de Drew et un exemple supplémentaire d'acteur bourré de talent ayant eu une carrière en dents de scie à cause d'un comportement autodestructeur. Le genre de type idéal pour jouer les fanatiques illuminé et de là à dire qu'il est le meilleur élément du film, il n'y a qu'un pas que je vais franchir allègrement.
Fils de l'acteur John Barrymore Sr, John Drew Barrymore s'engagea d'abord dans l'armée avant, malgré les réticences de sa famille, d'embrasser une carrière artistique. Ses débuts, au théâtre, furent toutefois ralentis par le fait qu'il n'acceptait de monter sur les planches que s'il obtenait le premier rôle. Il mourut en 2004, près de 30 ans après son dernier film, 30 ans pendant lesquels il mena une vie d'ermite émaillée de problème de drogue, d'alcool, de violences conjugales et de déboires judiciaires en tout genre.
Servir la Déesse d'or a doté Aderbal de quelques pouvoirs pour le moins intéressants. Parmi eux celui de pouvoir se créer une armée de serviteurs zombies ressemblant à s'y méprendre à des figurants maquillés au crayon noir et un poil trop bavards qu'il n'est de mise pour des zombies. Il utilise également ses talents en matière de magie noire pour ressusciter ceux à qui il a apposé sa marque, la même retrouvé sur les soldats qui gardaient le trésor de Tigrane. Sachant que ses hommes ne seront jamais aussi nombreux que l'armée romaine, alors pourquoi, en effet, ne pas ramener à la vie les légionnaires tombés au combat pour qu'il se battent dans leurs rangs ?
En plus ce qui est chouette c'est que ça explique le titre du film !
Par contre, pas non plus de zombies ici : c'est sous forme de fantômes que reviennent les soldats romains, dans une séquence assez intéressante et dont je me demande ce qu'elle pourrait donner aujourd'hui avec de meilleurs moyens.
Toutefois, il faut reconnaître que, si l'on excepte quelques bonnes idées de ce type, le reste du film est assez fade. Ce n'est pas le reste des ramifications de l'histoire, qui reste, somme-toute, assez classique, qui va vraiment rattraper le coup et faire oublier un rythme faiblard.
Comprenez par là que vous aurez droit à la traditionnelle demoiselle en détresse à sauver des griffes du félon, que vous aurez le droit au traditionnel rebondissement final où le héros apprendra qu'il est le seul à pouvoir sauver tout le monde. Vous aurez également le cliché du gouverneur tyrannique, rallié du côté d'Aderbal par sa femme qui espère utiliser le sorcier pour obtenir pouvoir, fortune et position sociale. Je n'irai peut-être pas rappeler qu'il s'agit d'un film italien et jouer sur les clichés en soulignant le fait que le seul personnage féminin avec un tant soit peu de personnalité soit une connasse arriviste...
Mais bon, vous comprenez maintenant pourquoi il y a autant de curés en Italie.
En définitive, le principal sentiment qui ressort de ce film... c'est la déception. Je vous avoue que je ne reverrai probablement pas ce film mais, paradoxalement, si un jour un remake devait en être fait, je me précipiterai pour le voir. Tout simplement parce qu'avec un peu de chance, la nouvelle équipe du film ne fera pas l'erreur de ses prédécesseurs et ne verra pas l'originalité du sujet comme une fin en soit et ne comptera pas seulement sur le talent d'un ou deux interprètes pour transfigurer l’œuvre finale.
Je me faisais une joie de vous parler de ce film, pensant que je finirais par vous présenter « Rome contre Rome » comme un chef-d’œuvre oublié de plus dans notre culture. Las, ce ne fut qu'une VHS de plus dans ma bibliothèque.
Fiche technique :
Titre original : Roma contro Roma
Réalisateur : Giuseppe Vari
Année : 1964
Pays : Italie
Durée : 1h32
Genre : L'Aderbal des zombies