Flashman contre les hommes invisibles
Il y a une chose que j'aime en faisant les vides greniers c'est tomber sur le traditionnel vendeur qui, en plus de tout un tas de vieilleries, essaie de se débarrasser d'un carton de VHS. Tout d'abord parce que l'amateur de nanars et de séries B que je suis sait qu'il va y faire des trouvailles. D'autres part parce qu'il à quelque chose de jouissif à sentir le regard du vendeur me voyant m'accroupir devant des objets d'une époque révolue. Le "Tiens ça intéresse quelqu'un ces trucs", puis le "Attends, il va acheter ça !?" lorsque je lui tends une VHS de série Z en lui demandant combien il en demande. Croyez-le ou non, mais une fois sur deux la réponse que j'obtiens est : "Beeeen, j'en sais rien. Vous m'en donneriez combien ?".
D'autres vendeurs connaissent la valeur de leur marchandise et c'est souvent chez eux que le collectionneur fait ses plus belles découvertes (j'ai même mon coin à champignons à côté de la Sorbonne, personnellement). Par exemple, alors que j'errais du côté de la BNF pendant sa brocante ciné annuelle, non attention fut attirée par un stand avec l'un de ces cartons qui font mon délice. Je m'attendais à quelques VHS obscures et je ne fut pas déçu lorsque mon regard fut attiré par une jaquette hideuse criant son titre difforme à la face du Monde : "Super Flach l'homme volant".
Je devais apprendre que ce film s'appelait en réalité "Flashman contre les hommes invisibles" et qu'il allait valoir le détour.
Premier intérêt, ce film est le premier film de superhéros italien produits après le succès de "Batman" en 1966. A l'époque, les italiens avaient leurs propres comics, les fumetti, des bandes-dessinées imprimées en noir et blanc sur papier recyclé. Ils finirent par spécialiser dans les fumetti neri, des histoires de super-anti-héros aux noms aussi évocateurs que Diabolik, Satanik ou encore Kriminal. Autant dire qu'il y avait un marché et que les producteurs ont très rapidement flairé le filon.
Second intérêt: c'est un bon nanar bien kitsch comme je les aime, tant il semble avoir été fait aussi à la va-vite que la jaquette de sa VHS.
A tout seigneur tout honneur, commençons par le héros: Flashman. Vous noterez le nom, qui fait une référence subtile à un superhéros déjà existant. Le costume, quant à lui est inspiré de... d'un déguisement pour gosse je n'ai pas d'autre comparaison. C'est une espèce de combinaison argentée avec un supplément paillettes et une cagoule agrémentée de morceaux de cartons argentés. Je sais que la Justice n'est qu'un concept mais si elle pouvait éviter d'avoir cette tronche ce ne serait pas plus mal.
Vous me direz que pas mal de superhéros américains ont des tenues ridicules.et que ça ne les empêche pas d'avoir de la gueule. Pourquoi ? Parce qu'ils ont un certain charisme et une histoire, ce qui n'est pas le cas de Flashman. En gros, on le voit arriver comme un cheveu sur la soupe au bout de dix minutes, sans aucune présentation, ce qui est d'autant plus frustrant que le reste des personnages semble le connaître. Tout ce que nous finissons par savoir c'est que sous ce masque se cache Lord Burman, un playboy milliardaire qui utilise sa fortune pour combattre le crime.
Oui, moi aussi ça me rappelle vaguement quelqu'un mais si Bruce Wayne s'est mis à traquer les criminels après avoir vu ses parents assassinés par un rôdeur, Lord Burman, lui, chasse les malandrins parce que... et bien il s'ennuie et qu'il avait besoin d'un passe-temps. Et ce n'est même pas du mauvais esprit, c'est lui qui le dit.
Quant à ses pouvoirs: disons qu'il semble pouvoir sauter et tomber de très haut et qu'il est invulnérable aux balles. Enfin, son plastron est invulnérable aux balles mais vu que les méchants prendront bien le soin de tirer que sur celui-ci, c'est suffisant. Flashman tire très probablement ses pouvoirs de son costume mais, là aussi, aucune explication. "C'est Flashman, c'est un superhéros et il a des pouvoirs, point barre".
Dans sa lutte contre la racaille, Flashman n'est pas seul. Il a son majordome, James ("Aflred" ça aurait été un peu trop voyant) et Sheila, dont on ne comprend pas réellement qui elle est par rapport à Lord Burman. Ou alors ils le disent à un moment mais je n'ai pas fait attention, hypnotisé que j'étais par son accent anglais à la Jane Birkin et par un maquillage d'une décadence peu commune.
Et le scénario me direz-vous ? Et bien le moins que l'on puisse dire c'est qu'il est assez alambiqué. Pour faire court (à défaut de faire simple), à l'académie des sciences de Londres, un scientifique, le professeur Phillips, mets au point un sérum rendant invisible. Il est alors assassiné par son laborantin, qui n'est autre que Kid, un braqueur de banques notoire qui flaire bien vite l'utilité d'un tel produit dans ses coupables entreprises. Il s'empare du sérum et s'en sert pour voler de l'argent dans la Bank of Ireland. Malheureusement pour lui, cet argent est faux, car Alika, une fausse monnayeuse qui se faisait passer pour une employée de la banque, avait déjà volé les vrais billets, qu'elle avait remplacé par des faux. Autre coup de deveine : l'employé à qui il a volé les billets n'est nul autre que Lord Burman, le propriétaire de la Bank of Ireland, qui, flairant le manège d'Alika, s'était fait embaucher derrière un faux nom (mais de vraies lunettes). Ce qui lui permet de la faire mettre sous les verrous et de se faire enfermer dans la cellule voisine car, dans ce monde, les prisons sont mixtes.
Grâce à Flashman, donc,Alika est arrêtée et mise en prison mais est libéré par Kid, qui, s'étant fait rouler, se dit qu'il vaudrait mieux avoir cette donzelle dans son camp. Ensemble, ils montent un plan permettant à Alika de séduire un riche émir libanais afin que Kid puisse l'assassiner pour s'emparer de sa fortune. Évidemment, Flashman part à leur poursuite, après avoir envoyé à Beyrouth l'inspecteur Baxter de Scotland Yard.
Tu peux souffler lecteur. Et tu peux également regretter que les personnages ne soient pas plus fouillés que le scénar.
Ajoutons que le doublage ne fait pas grand chose pour améliorer tout ceci. Il est, dans l'ensemble, correct mais on sent qu'il n'y avait pas suffisamment de comédiens pour tout le monde. Cela expliquerait peut-être l'accent anglais de Sheila (d'autant plus bêta que tout le monde est anglais dans ce film). Cela expliquerait aussi le fait que la maréchaussée, l'inspecteur Baxter en tête, se voit affublée d'un accent méridional du plus bel effet. La palme revient au chef de la police libanaise dont le doubleur a raté l'accent oriental et le fait parler... avec un accent corse.
En gros, le doublage résume assez bien le sentiment que donne le film: il semble avoir été réalisé avec amateurisme par des gens qui, pourtant, semblaient connaître leur boulot. Malheureusement, quand vous faites les mauvais choix, ça pique : la production a payé un billet d'avion à l'équipe du film pour aller tourner une partie du film au Liban mais à bricolé le costume du héros avec ce qu'elle a trouvé sous la main, les scénaristes ont pondu une intrigue alambiquée au lieu de creuser un peu plus les personnages, les combats sont correctement chorégraphiés mais la caméra suit l'action seulement quand elle y pense...et je pourrais continuer comme ça pendant un moment (mais pas envie).
En définitive, "Flashman contre les hommes invisibles", à défaut d'être un bon film, est l'un de ces nanars totalement décomplexés transfiguré par une esthétique que le temps a rendu d'un kitsch achevé. Je faisais référence à "Batman" au début de l'article, souvenez-vous de l'esthétique de ce film, témoin d'une époque où les superhéros étaient moins humains et les histoires moins sombres. Là c'est la même chose : qui aujourd'hui irait faire un film avec un superhéros inventé pour l'occasion et qui se battrait contre des bandits ayant la capacité de se rendre invisible ?
En fait ce film fait un peu penser aux vieilles bandes-dessinées qui paraissaient dans "Spirou" et "Tintin" et sur lesquelles vous retombez parfois dans un grenier. Elles ont leur charme, leur atmosphère, leur odeur même. Et on se reprend parfois à les parcourir avec un regard mi-nostalgique mi-amusé... parce que Dieu que c'était con !
Fiche technique :
Titre original : Flashman
Réalisateur : Mino Loy (sous le pseudonyme de J. Lee Donen)
Année : 1967
Pays : Italie
Durée : 1h35
Genre : Comics spaghetti