La Guerre du Fer
Qui fut le premier à forger l'horrible épée ? Quelle bête féroce, quel être sans cœur était-il !?
On m'a raconté un jour que, si le fer est vu comme un métal néfaste, symbole de stérilité et de dureté, c'est en grande partie à cause des Hommes de l'Age du Bronze. A cette époque, le progrès technologique n'était pas mieux partagé qu'aujourd'hui et certains peuples ont commencé à utiliser le fer alors que leurs voisins en étaient encore au bronze (ça te rappelles "Age of Empires" lecteur ? C'est normal). Qu'ont-ils fait ? Et bien, disons que le concept d'arme de dissuasion n'existait pas à l'époque et si vous possédiez des armes capables d'aller décapsuler les péquenots d'en face, vous le faisiez. Ne serait-ce que pour éviter qu'ils le fassent avant vous.
Mettez-vous à la place des vaincus, dont les armes en bronze étaient inefficaces faces à celles en fer : quels dieux maléfiques pouvaient bien avoir donné ce métal à leurs ennemis ? Comment quelque-chose qui apporte la mort et la guerre pouvait être bénéfique ? C'est en prenant ce point de vue, en voulant retracer ces heures sombres qui ensanglantèrent le Monde qu'est née "La Guerre du Fer" d'Umberto Lenzi... ou alors c'était juste pour profiter du succès de la "Guerre du Feu", sorti deux ans auparavant.
Car ne te fies pas à l'affiche, qui semble te promettre de l'heroic fantasy burnée, lecteur : l'action de la "Guerre du Fer" ne se situe pas dans une quelconque époque reculée, entre le moment où les océans engloutirent l'Atlantide et l'avènement des fils d'Arius. L'action de "La Guerre du Fer" se situe à la fin de l'Age de pierre. Cette seule phrase peut faire frémir tant la Préhistoire au cinéma peut assez rapidement donner dans le n'importe quoi le plus abyssal et le ridicule le plus achevé.
Il est communément admis que, à quelques exceptions près, il n'existe pas de bon film d'heroic-fantasy et il en est malheureusement de même avec les films préhistoriques. Soyons toutefois honnête: en plus de "La Guerre du Feu", je garde un assez bon souvenir de "Un milion d'années avant J.C.". D'un autre côté, quand je l'ai vu j'avais 14 ans et, à cet âge, Raquel Welch avec un bikini en peau de bête ça nuit pas mal au sens critique....
Et là quand on sait qu'il s'agit d'un film italien fauché avec des acteurs quasi-inconnus, on sait qu'on ne va pas sortir ému de la séance. Et qu'il y aura même matière à s'amuser.
Dès le début, une voix-off nous met en garde: l'action se déroule à une époque sombre, où les Hommes vivaient de chasse et de pêche et où les tribus se faisaient la guerre entre elles. Pire encore, certains affreux jojos luttaient au sein même de la même tribu pour s'assurer le pouvoir, pratique barbare heureusement disparue aujourd'hui. C'est dans l'une de ces tribus de sauvages hirsutes et barbus que deux hommes sont en lutte pour le pouvoir: Vuud, qui, lui est barbu mais pas hirsute (Georges Eastman, l'une des gueules récurrentes du cinéma d'exploitation italien) et Ela, qui est hirsute mais pas barbu (Sam Pasco, impeccablement imberbe en plein Age de pierre).
Vuud pensait avoir fait le plus dur en zigouillant le précédent chef mais, surpris et dénoncé par Ela, il se voit chassé de la tribu. C'est en errant seul, au pied d'un volcan, après avoir assisté à une éruption, que Vuud fait la découverte qui change la face du Monde. Enfouis sous les poussières volcaniques, du minerai de fer a formé une barre dont il se fait une arme redoutable.
Après avoir testé son nouveau joujou sur un lion et s'être revêtu de sa dépouille, Vuud retourne dans sa tribu et décide de prendre enfin le pouvoir. Ela essaie bien de se défendre mais son arme en bois ne peut rien contre une arme en fer. Vaincu, Ela est épargné et envoyé sur les terres des hommes-singes. Pour faire plus simple: Vuud lui donne une occasion de revenir se venger (comme tout bon méchant d'opérette) et nous apprenons que, dans le monde merveilleux de "La Guerre du Fer", non seulement les Hommes passent de l'Age de pierre à l'Age de fer sans passer par l'Age du bronze mais les Cro-Magnons voisinent sans soucis avec les australopithèques. Et encore, ça pourrait être pire: on échappe aux dinosaures.
Cerise sur le gâteau: à partir de ce moment, Vuud va passer la plus grande partie du film affublé d'une tête de lion en peluche du plus bel effet. Certaines mauvaises langues, dont celle de votre serviteur, vous diront que le but est probablement de contrebalancer les faibles talents d'acteur de Sam Pasco. Pour faire simple, la capture d'écran au-dessus aurait pu être un gif, le résultat aurait été le même tant le bonhomme est monolithique. Pas étonnant qu'il s'agisse de sa seule apparition au cinéma... en tout cas dans un film tout public, Sam Pasco s'étant, par la suite, forgé une certaine réputation dans le porno gay.
Une fois chef de sa tribu, Vuud en vient à se demander pourquoi il pourrait régner seulement sur quelques arpents de terre alors que les dieux lui ont donné une arme rendant invincible. D'autant plus que Vuud ne s'est pas contenté d'utiliser son bout de métal : cinq minutes lui ont suffi pour également inventer la métallurgie et forger des épées de toute beauté avant d'en équiper ses hommes. Le Monde court-il donc à sa perte ? Les quelques milliers d'humains vivant alors sur Terre vont-il tomber sous le joug du despote poilu ? Non ! Car n'oubliez pas: Ela est là ! (Je m'excuse pour ce jeu de mots usé jusqu'à la corde, d'autant plus que celui-ci va vous coller du France Gall dans les oreilles pendant quelques temps).
Ela, disais-je, va survivre aux hommes-singes et être recueilli par Isa, la fille du chef d'une tribu vivant au bord d'un lac et vivant de pêche et de cueillette. Enfin, quand je dis "vivant", "survivre" serait un terme plus approprié vu qu'en plus des tribus avoisinantes, ces pêcheurs ont affaire à des hommes-singes, à des lions... mais refusent d'utiliser des armes. En ces temps, ça s'appelle être en bas de la chaîne alimentaire.
Pacifiste ou pas, Ela parvient à leur faire comprendre, l'intérêt de se révolter... enfin disons qu'ils se font ratatiner par Vuud et qu'Ela revient leur chanter l'air du "Je vous l'avais bien dit". Tant qu'il y est il déjoue également un piège tendu par la nouvelle femme de Vuud . Comment la traîtrise est-elle découverte ? Aucune idée, Ela explique seulement qu'il ne lui fait pas confiance. Deux éléments quand même : quand une nana que personne ne connaît propose de tendre un piège à un ennemi, il y a fort à parier qu'il y a anguille sous roche. Autre indice : elle est brune et par un étrange hasard il se trouve que tout ce qui est blond dans le film est gentil et tout ce qui a les cheveux noirs est méchant.
Se révolter c'est bien mais comment lorsque l'oppresseur a une arme rendant invincible ? Et bien se secouer les méninges et inventer une nouvelle arme ! Honnêtement je ne sais pas ce que Vuud a mangé pour inventer la métallurgie en cinq minutes mais il faut croire qu'il en restait vue que, suivant la même illumination divine, notre bon Ela va inventer l'arc en une nuit.
La suite vous la devinez: Ela et ses copains mettent une tannée aux autres zigs, qui apprennent à leurs dépends la différence entre "invincible" et "immortel", le tout culminant avec un bon vieux duel à l'épée, comme on en voyait dans les vieux films avec Jean Marais. La comparaison s'arrête là, bien évidemment, on notera seulement, les derniers mots de Vuud, promettant que d'autres comme suivront son exemple. Mais bon, une heure et demie pour apprendre que l'Humanité est violente, c'est faiblard quand même. Ce qui est également faiblard c'est la scène finale, où Ela et sa nouvelle tribu font la chaîne pour balancer toutes les épées à l'eau sur l'air du "plus jamais ça". Si le symbole est beau (mais si c'est beau, la paix, l'amour universel, les petits oiseaux, toussa...), on ne peut quand même se retenir de penser que nos bons sauvages n'ont pas vraiment compris la leçon, vu que tôt ou tard "un autre Vuud" se pointera. Le symbole est beau mais la décision est bête, si vous voyez ce que je veux dire.
Et puis, prenez-moi pour ce que vous voulez mais des chevelus qui vivent à poil et prônent la non violence, ça me fait davantage penser à des hippies qu'à de farouches enfants des âges obscurs (ceci était ma minute Abraham Simpson, passons à la suite).
En définitif, que dire de "La Guerre du Fer" si ce n'est que le film part au moins d'une idée un peu originale. Là où ça commence à partir en vrille c'est qu'"original" ne veut pas forcément dire "génial" et qu'une bonne idée mal amenée risque d'en faire une mauvaise. Là, disons que nous assistons à une bonne idée plombée par une volonté de vouloir "ressembler à", d'autant plus que ce film essaie de ressembler autant à "La Guerre du Feu" qu'à "Conan le Barbare" sans réellement se décider. Ajoutons à cela un méchant cabotin et un héros qui a visiblement décidé qu'il allait laisser jouer ses pectoraux à sa place, le tout au service d'un scénario bancal et toutes les bonnes intentions du départ s'envolent rapidement. Il voulait être "La Guerre du Feu", il ne fut que "La Guerre du Fer", il voulait devenir Rahan, il ne fut qu'Ela.
Fiche technique :
Titre original : La guerra del ferro, Ironmaster
Réalisateur : Umberto Lenzi
Année : 1983
Pays : Itale
Durée : 1h 20
Genre : Le fils des âges fauchés.